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Adieu la mère

Samedi 7 Avril 2018 - 19:19

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Marches, chants, pleurs, fleurs et bougies accompagnent l’hommage que l’Afrique du Sud rend à sa « maman », Winnie Mandela, décédée le 2 avril. Comme d’autres héros de la lutte pour les droits et libertés, elle laisse son empreinte militante dans l’histoire de son pays et de l’humanité.

Samedi prochain, jour de ses obsèques, on imagine une grande procession des filles et fils de la nation arc-en-ciel, d’amis venus du reste du monde escorter sa dépouille couverte certainement du drapeau sud-africain jusqu’au lieu où elle reposera pour l’éternité. Si elle ne pourrait réunir le même nombre de présences comme ce fut le cas pour son ex-époux Nelson Mandela à ses funérailles en 2013, la combattante Winnie a néanmoins déjà reçu des témoignages de reconnaissance dignes de son rang.    

Winnie Mandela était des nôtres, ici au Congo, pays qu’elle a visité et qui, durant les longues décennies de lutte contre le régime d’apartheid, a constitué la tête de pont des initiatives les plus louables et les plus audacieuses en faveur de la région australe de notre continent. Brazzaville portait haut la voix des pays de « la ligne de front », la Zambie, le Mozambique, l’Angola, le Zimbabwe, la Namibie désignés ainsi pour l’audace de ces nations de tenir tête à leur intraitable voisine, l’Afrique du Sud.

Chaque fois, en effet, que les circonstances l’exigeaient, les dirigeants congolais prenaient la parole en public pour prédire la fin d’un système inique fondé sur la ségrégation raciale. Ils n’avaient alors que faire des représailles que pouvaient leur faire subir les puissants amis de l’Afrique du Sud raciste attachés à préserver leurs intérêts économiques et stratégiques.

Winnie Mandela était cette brave femme séparée de son mari pendant vingt-sept ans, exposée à toutes les angoisses possibles, mais convaincue du choix qu’elle avait fait de combattre l’injustice. Elle n’a pas lutté en vain. C’est bien pour cela que son pays observe dix jours de deuil pour se souvenir de son itinéraire fait de pugnacité, de fidélité à la cause pour laquelle elle s’était engagée jeune, d’amour pour l’homme qui l’avait épousée un certain 14 juin 1958 à l’âge de 22 ans.

Devant les aspérités d’une existence marquée par des suspicions réciproques entre régnants et opprimés, Winnie Mandela avait sans doute aussi appris à endurcir son cœur. On l’a accusée d’avoir laissé se développer autour d’elle des actes de violence qui ont pu écorcher son image d’activiste de la paix. Dans cette Afrique du Sud raciste bouffeuse de ses enfants, la commission vérité et réconciliation instituée au sortir de l’apartheid, en 1998, a permis d’en apprendre encore pire sur le côté incertain de l’être humain quand il décide d'échanger le vivre-ensemble contre le repli sur soi. Il peut devenir la pire des brutes.  

Il est vrai que près de trois décennies après la fin de l’apartheid, les Sud-Africains ont encore beaucoup de défis à relever. Aux générations présentes de savoir que celles qui les précèdent ont rempli leur part de contrat avec l’histoire qui était la leur. Le travail qui leur revient, aujourd’hui, n’est pas de remuer le couteau dans la plaie, il ne consiste pas non plus à refuser de prendre conscience du chemin parcouru par leur pays.

Au contraire, il leur faut à ces nouvelles générations œuvrer à rendre prospère la terre de leurs ancêtres et faire en sorte de léguer à celles qui viendront un pays bâti sur le mérite et non pas sur la couleur de la peau. Comme bien d’autres héros anonymes ou connus, Noirs ou Blancs, Nomzamo Winifred Zanyiwe Madikizela, dite « Winnie » Mandela, avait sans doute à cœur une telle vision de l’Afrique du Sud. On ne peut le lui contester.

Gankama N'Siah

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