Affaire Jean-Pierre Bemba : les victimes centrafricaines exigent des réparations individuelles

Mardi 21 Novembre 2017 - 18:11

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Attendant une décision de la Cour pénale internationale (CPI) pour les jours qui viennent, les concernés redoutent des réparations collectives qui seraient la construction d’un hôpital ou d’une école, parce qu’ils n’auraient pas confiance aux autorités de leur pays.

Alors que la CPI, qui a commencé à se pencher sur les demandes en réparation, devra rendre, dans les mois qui viennent, une ordonnance sur l’indemnisation des victimes dans l’affaire Jean-Pierre Bemba contre le procureur, la Fédération internationale de ligues des droits hommes (FIDH) vient de publier un long rapport sur les revendications des 5 200 victimes centrafricaines. Ces dernières, note la FIDH qui s’oppose à des mesures de réparation collective, tiennent à des réparations individuelles.

La responsable du bureau justice internationale à la FIDH, Karine Bonneau, interrogée par RFI, a indiqué que ces victimes  motivent ce refus des mesures collectives qui seraient la construction d’un hôpital ou d’une école, par le manque de confiance aux autorités de leur pays, qui pourraient utiliser ces fonds à d’autres fins.

Des biens saisis et le fonds d’indemnisation des victimes

Karine Bonneau note que ces réparations devront servir à améliorer la vie de ces victimes dans leur pays car elles continuent à vivre dans leur chair et leur mémoire les conséquences des crimes et des traumatismes subis. Elle estime que la CPI a des moyens pour contraindre l’ex-vice président congolais à payer ce qu’il faut à ces dernières, selon la décision qui sera prise par les juges de cette juridiction. Elle a fait savoir que ces réparations seront financées par une partie des biens de Jean-Pierre Bemba saisis, et par un fonds de la cour au profit des victimes. « Une partie de ses biens seulement sera utilisée pour ces réparations et, vu le nombre de victimes, la Cour devra aussi financer ces réparations », a-t-elle précisé. C’est donc à ce genre d’opérations que devra servir le Fonds de cotisations volontaires au profit de victimes qui est alimenté par des États, qui y contribuent volontairement.

Pour la FIDH, la plupart des victimes rencontrées ont tout perdu et insistent pour que des compensations individuelles soient attribuées. « Si les réparations sont tardives, elles sont néanmoins une exception dans un pays ravagé par l’impunité et les exactions violentes des groupes armés », a-t-elle souligné. Jean-Pierre Bemba, note-t-on, avait été condamné à une peine de dix-huit ans de prison par la CPI en juin 2016 pour la vague de meurtres et de viols commis par sa milice, l’Armée de libération du Congo, entre octobre 2002 et mars 2003, en Centrafrique. Il a interjeté appel de sa condamnation, dénonçant des « vices de forme » et évoquant notamment l’arrestation de son avocat durant le procès.

On rappellera également que cette décision attendue dans cette affaire qui oppose le chairman du Mouvement de libération du Congo  au procureur de la CPI sera la troisième ordonnance de réparations dans l’histoire de la Cour, quinze ans après sa fondation. En août, la Cour a déclaré qu'un jihadiste malien avait provoqué pour 2,7 millions d’euros de dégâts en faisant détruire, en 2012, des mausolées de la cité historique malienne de Tombouctou. Alors qu’en mars, la CPI avait attribué 250 dollars « symboliques » à chacune des 297 victimes d’un ancien chef de milice congolais, Germain Katanga, condamné en 2014 à douze années de détention. Le total des préjudices physiques, matériels et psychologiques s’élevait, selon la Cour, à 3,75 millions d’euros. La CPI a déjà saisi certains biens de Jean-Pierre Bemba alors qu’il y a la possibilité d’en saisir encore d’autres en vue de faire face à certaines charges, notamment l’indemnisation des victimes.

Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

Jean-Pierre Bemba à la CPI

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