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Afrique-Indépendances: 60 ans et le poids du passé

Dimanche 16 Août 2020 - 15:42

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Peut-être le fait du nombre : partant de ce qu'au cours de l’année 1960, d’un trait, dix-sept anciennes colonies françaises, belges, britanniques d’Afrique (1) accèdent à leur souveraineté, les soixante-ans des indépendances des États concernés, célébrés cette année 2020, sont vus comme étant ceux de la libération du continent africain. Et l'on se pose, à juste titre, la question de savoir, en soixante-ans d'indépendances, qu'est ce qui a changé dans la vie de l'Africain et dans la vie des citoyens des pays qui sont à l’honneur ?

Certains répondent, rien du tout, qu’au contraire tout a régressé. Ils invoquent les échecs qui jalonnent les six dernières décennies : échecs politiques, échecs économiques, échecs en matières sociales, éducatives et sanitaires. Un chapelet de dysfonctionnements que les conflits interminables à l’intérieur des Etats, centrés essentiellement sur les questions de pouvoir ne cessent d’entretenir. Il n’est pas sûr, insistent ceux qui partagent ce pessimisme, que ces conflits s’estompent avant longtemps.   

En revanche, d’autres voix soulignent des avancées importantes enregistrées depuis lors. En soixante ans, rappellent les défenseurs de ce point de vue contraire au premier, beaucoup a été fait. Des cadres ont été formés dans tous les domaines, des infrastructures ont été bâties dans tous les secteurs : écoles, routes, aéroports, sports, hôpitaux, ports, bâtiments publics. Et même en matière de démocratisation exposent-ils puisque depuis le début de la décennie 90, le pouvoir ne relève plus des pronunciamientos violents des premières années des indépendances.

Deux visions opposées donc, pour lire le parcours du continent africain après que ceux qui l’embastillaient pour des raisons diverses avaient consenti de partir et le laisser se débrouiller seul. Elles sont assez inconciliables et le but de ce texte n’est pas de les départager. Peut-être qu’il y a lieu de souligner que ces jugements sont justifiés, d’autant qu’ils expriment globalement le désir de voir l’Afrique se porter au-devant de son développement pour le bonheur de ses populations.

Il ne faut cependant pas oublier de dire que l’histoire de l’Afrique ne commence pas en 1960. Le continent porte en effet le poids de toutes les prédations du passé et il semble que s’appuyer sur les seuls échecs des soixante dernières années ne parait pas mieux rendre compte du chemin parcouru. Le fait même que les langues officielles adoptées lors des indépendances soient des langues étrangères est handicapant quand on considère que le développement est aussi culturel et que la langue est un véhicule irremplaçable de la culture.

L’heure n’est évidemment pas à la réécriture de l’histoire, mais il importe de tenir compte de beaucoup d’aspects pour tirer le meilleur parti des célébrations actuelles. En parlant de culture, on peut observer comment du fait de la mondialisation décrétée par d’autres, l’Afrique est engagée dans une marche forcée vers ce village planétaire souvent sans assurer ses arrières. Elle devrait pourtant se recentrer d’abord sur l’essentiel, en se demandant par exemple si ses terres arables, son riche potentiel hydrographique, énergétique et minier ne peuvent pas être la solution à ses immenses difficultés.

Pour cela, les pères fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine, aujourd’hui Union africaine l’avaient énoncé avec suffisamment de clarté aux premières heures. Faire en sorte que le continent parvienne à construire son unité, parle d’une seule voix dans les instances internationales, ne se vende pas au plus offrant, mais se présente à la confrontation pacifique des idées avec la sagesse que pour se développer, il lui faudra un minimum d’unité et aussi de l’audace pour oser défendre son originalité. Parce que les autres ne la laisseront pas les mains libres si elle se les croise pour implorer l’aide extérieure.

Soixante ans d’indépendances, oui, cela se célèbre, et devait l’être avec éclat si la pandémie actuelle de Covid-19 n’avait pas fait son apparition. Néanmoins, la vision des dirigeants africains doit être l’obligation de rompre avec les pratiques qui retardent le continent, de créer une vraie dynamique de rassemblement et d’unité à l’échelle des pays et du continent s’ils veulent gagner avec leurs peuples. Parce qu’ils ne pourront pas dire qu’il leur manque l’expertise locale pour atteindre cet objectif.

(1) Congo, Rd-Congo, Gabon, Tchad, Centrafrique, Cameroun, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Mali, Niger, Nigeria, Togo, Bénin, Madagascar, Sénégal, Somalie, Mauritanie.    

 

 

 

Gankama N'Siah

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