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Aider l’Afrique à assurer sa sécurité : un impératif catégorique pour les grandes puissances

Samedi 18 Octobre 2014 - 18:50

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Par deux fois et sous la forme écrite garantissant que ce message passera à la postérité, le président du Congo, Denis Sassou N’Guesso, a exposé dans les derniers mois comment les grandes puissances doivent assumer leurs responsabilités dans la construction d’une Afrique libre et maîtresse de son destin. S’exprimant, par l’intermédiaire de la revue Géopolitique Africaine à la veille du sommet de l’Élysée en décembre 2013 et du sommet de Bruxelles en avril 2014, il s’est attaché à montrer que les Africains ont la capacité politique et militaire de faire régner la paix sur toute l’étendue  de leur continent, mais qu’ils n’ont pas les moyens techniques et financiers nécessaires pour édifier rapidement  l’architecture de sécurité dont ils ont jeté les bases dans le cadre de l’Union africaine.

Ce message, qui fut bien accueilli par ceux auxquels il s’adressait est resté lettre morte. Personne, dans les capitales des grandes puissances, n’en a contesté et n’en conteste la justesse, mais le passage à l’acte se fait désespérément attendre ; avec ce résultat que les menaces pesant sur la paix au Mali, dans l’immense région du Sahel, au Nigéria, dans le Nord du Cameroun, en Centrafrique, en Somalie, en République démocratique du Congo ne cessent de s’aggraver au fil des jours. Alors qu’elles déploient des moyens impressionnants pour stopper l’avancée des islamistes radicaux en Irak et en Syrie, les nations riches, qui se disent attentives aux dangers que court aujourd’hui l’Afrique, ne font rien, ou presque, pour aider les États concernés à se protéger des attaques perpétrées contre eux. Ils pérorent, discourent à perte de vue, gesticulent mais un seul d’entre eux agit, la France, qui n’a malheureusement plus les moyens de ses ambitions et de ses convictions.

En ne répondant pas comme ils le devraient aux attentes des pays africains, l’Europe et les États-Unis, qui prétendent défendre la liberté, la démocratie,  la bonne gouvernance, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, commettent une double et tragique erreur.

1- Ils nient les devoirs que l’Histoire leur impose. Si, en effet, ils sont aujourd’hui aussi riches et aussi prospères, c’est parce qu’ils ont exploité pendant des siècles et sans contrepartie les richesses naturelles du continent africain ; le colloque sur la traite négrière qui se tiendra dans quelques semaines à Loango, au Congo, viendra utilement leur rappeler cette vérité pour ce qui concerne l’Afrique centrale. Plus près de nous encore, il est fort probable que ces mêmes puissances n’auraient pu gagner les deux guerres mondiales si elles n’avaient pas placé en première ligne, au cœur donc des combats meurtriers, les soldats issus du continent noir. Ce double déni, s’il se maintient, finira à coup sûr par leur coûter très cher car il entraînera leur éviction progressive de cette partie du monde.

2- En dépit des drames qu’elle subit – le sous-développement, le terrorisme aveugle, la fièvre Ébola, l’Afrique, tout le monde le sait, est le continent du proche avenir. Parce qu’elle fait vivre un quart et bientôt un tiers de l’humanité, parce qu’elle détient des réserves inépuisables de matières premières, parce que ses nouvelles générations sont aussi actives qu’ambitieuses, parce que l’usage des nouvelles technologies y progresse à grands pas, elle devient incontournable et en a pleinement conscience. Continuer à nier ces évidences et s’abstenir d’accompagner le continent dans sa marche en avant constitue une erreur historique que les pays riches de l’hémisphère nord paieront au prix fort s’ils persistent dans cette voie.

La meilleure et d’ailleurs la seule façon de procéder pour éviter une telle impasse est d’aider concrètement l’Union Africaine à édifier le système de prévention et de gestion des crises qu’elle a mis au point dès le début de ce siècle. Et pour cela, les grandes puissances – l’Europe et les États-Unis bien sûr, mais également la Russie, la Chine, l’Inde – doivent apporter l’argent, les compétences, les savoir-faire, les matériels, la logistique sans lesquels ce pas en avant décisif ne pourrait être fait avant longtemps.

Le moment est venu, indiscutablement, de traiter ces questions avec le réalisme qui s’impose. L’Afrique n’a plus besoin de conseils pour se protéger des menaces qui la visent ;  elle sait comment  s’y prendre pour assurer sa sécurité sur le long terme et attend seulement qu’on l’aide à se procurer les moyens matériels nécessaires.

 

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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