Aider l’Afrique pour stopper les flux migratoires ? Illusion, disent certains à Rome

Mardi 18 Juillet 2017 - 15:15

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Populisme ou nouveau mantra politique ? De gauche comme de droite montent les voix proposant que l’Afrique soit aidée pour freiner les flux de migrants.

Gauche et droite se rejoignent en Italie sur la volonté de freiner vraiment les flux de migrants cette fois, car trop c’est trop. Depuis janvier, le pays a vu converger plus de 100.000 désespérés, traversant la Libye et embarquant dans des conditions incertaines vers l’emblématique port italien de Lampedusa, en Sicile (sud). L’entreprise est téméraire puisque 2000 personnes y ont déjà perdu la vie depuis le début de l’année. Mais cette réalité rencontre des discours paradoxalement inefficaces, qu’ils s’inscrivent dans la ferme volonté de fermeture, ou qu’ils moulinent les concepts humanistes de l’accueil à tout crin.

En début de semaine, des populations d’une bourgade non loin de Rome ont organisé la énième campagne de protestation contre l’installation de réfugiés dans leur commune. Pour leur part, des militants du groupe extrémiste Génération Identitaire ont mis à l’eau leur propre bateau, pour aller au-devant des embarcations chargées de migrants et les refouler hors des eaux territoriales italiennes. Ce bateau, le C Star, se veut une contre-réponse à la générosité des associations humanitaires dont le zèle à sauver les migrants qui se noient commence à nourrir le soupçon d’affairisme. Car chaque migrant sauvé rapporte, selon l’accusation des mouvements extrémistes italiens.

C’est au milieu de cette confusion générale que l’ancien Premier ministre (de gauche) Matteo Renzi s’est engouffré dans la polémique en soutenant qu’il faut résolument aider les Africains chez eux pour ne pas les voir « envahir » l’Europe. « Une proposition qui n’est, ni de gauche ni de droite, mais de bon sens », a exulté le leader du mouvement xénophobe extrémiste de la Ligue du nord,  Matteo Salvini. Et c’est précisément cette identité de vues et la célérité de la Ligue à appuyer  une proposition d’un leader du Parti démocratique, PD (gauche), qui dérange même les amis de Matteo Renzi.

Car, désormais, ceux-ci se rangent en partisans d’une aide des Africains chez eux – « un Plan Marshall », a même proposé le parti de droite de Silvio Berlusconi –, en fidèles à la ligne humaniste traditionnelle de la gauche italienne et même européenne. Dans ce débat, une voix a surgi de nulle part pour se rappeler aux consciences vermoulues : celle d’Emma Bonino, passionaria du Parti Radical et ancienne ministre des Affaires étrangères connue pour son grand engagement en faveur du Tiers Monde. Elle vient d’échapper à une grave forme de cancer et remplit de nouveau l’espace politique.

« Les aider chez eux? », a-t-elle bondi ; « j’aimerais bien savoir comment, car nous ne faisons que cela depuis 20 ans ! Oui, c’est vrai, il faut certainement investir massivement en Afrique, mais j’aimerais qu’on me donne quelques détails en plus ! ». Emma Bonino qui a été vue sur tous les terrains, de la bataille pour l’alphabétisation des femmes à la lutte contre l’excision, ne dit pas que l’aide fournie est inutile ; elle attire l’attention sur la nécessité de ne pas découvrir l’eau chaude. Si au bout des politiques de coopération, soutient-elle en substance, les pauvres continuent d’émigrer ou même d’être pauvres, c’est qu’il y a bien autre chose qu’une simple question d’aide.

Lucien Mpama

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