Analyse : regards croisés sur l’emploi des jeunes et le soutien à l’entrepreneuriat

Jeudi 21 Avril 2016 - 18:15

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Le discours d’investiture du chef de l’Etat continue de nourrir analyses et perspectives sur le développement du Congo. Vérone Mankou et Kriss Brochec, deux acteurs des secteurs de l’entrepreneuriat et du numérique, respectivement directeur général de VMK et directrice générale de Congo Web Agency, apportent à leur tour des points de vue sur la nouvelle marche que propose Denis Sassou N’Guesso pour les cinq prochaines années.

Saluant la décision de Denis Sassou N’Guesso d’orienter, pour ce nouveau mandat, sa politique de l’emploi des jeunes sur la formation qualifiante et l'entrepreneuriat, Vérone Mankou évoque un « engagement fort et économique ». Pour ce jeune entrepreneur qui a fondé sa réputation avec la success-story de VMK, société qu’il a créée il y a 8 ans, « l'Etat providence est mort, il est impossible à l'Etat de recruter massivement comme ce fut le cas il y a 30 ans. Le soutien à l’entrepreneuriat devrait voir vite éclore des sociétés et des emplois sur mesure ».

Interrogée sur le même discours, Kriss Brochec, directrice générale de Congo Web Agency, une société de conseil en communication basée a Pointe-Noire, pense que la décision prise par le président de la République est un début de réponse au chômage des jeunes. Pour qu’elle imprime cependant les résultats attendus par ces derniers qui représentent plus de la moitié de la population, il va falloir, à côté de la formation, agencer des mécanismes pour encourager l’entrepreneuriat.

« Des cours sur la création et la gestion d’une entreprise me semblent indispensables ainsi que des ateliers sur l’entrepreneuriat et le développement personnel. Les success-story comme celle de Vérone Mankou devraient davantage être mises en avant. Les jeunes congolais ont besoin de modèles. L’Etat congolais doit favoriser l’émergence d’icônes nationales, cela permettra de montrer aux jeunes qu’une réussite sociale dans les affaires est possible », souligne Kriss Brochec.

Dans le même élan, Vérone Mankou rappelle la nécessité de lancer des incubateurs pour aider les start-up, et un fonds de garanti pour soutenir l’entrepreneuriat. « Ce sont deux puissants outils qui peuvent changer la donne », argue-t-il. Mais, au-delà d’une simple volonté, estime Vérone, le président de la République devra confier la gestion de ces mécanismes à des hommes responsables et d’expérience. « Si ces outils sont mal perçus et mal gérés, nous n’atteindrons pas nos objectifs ».

Le numérique, le creuset de l’emploi des jeunes et des start-up

Le secteur du numérique est vu par beaucoup de gens comme celui de l’avenir en raison de la convergence qu’il crée entre les autres secteurs. Pourtant, jusqu’ici et ce malgré quelques programmes de communication, le développement du numérique au Congo doit trouver un nouvel élan.

Vérone Mankou pense qu’il faut que l’on s’écarte de l’idée de croire que le numérique, ce sont les opérateurs de télécommunication et les fournisseurs d’accès à l'Internet. « C'est une grande erreur car ce ne sont pas de si gros pourvoyeurs d'emplois directs, bien qu'ils soient de gros contributeurs en matière de recettes fiscales. Si on veut créer beaucoup d'emplois il faut faire entrer de nouveaux acteurs dans le secteur, et ce sont, bien entendu,  les start-up. Elles ont des initiatives assez souples, originales et aussi créatrices d'emplois », explique-t-il.

Pour lui, « il est plus facile en 5 ans de favoriser la création de 500 petites entreprises, c’est-à-dire les start-up, qui pourront recruter au moins 3 personnes chacune que d'attendre l'arrivée de 3 opérateurs qui recruteront au moins 500 personnes chacun ».

Formatrice et coach pour les start-up, Kriss Brochec pense, a ce sujet, qu’il faut lutter contre  l’analphabétisme numérique et rendre accessibles les nouvelles technologies. « Il faut vulgariser et favoriser à outrance le développement de l’internet, sponsoriser l’achat ou fortement subventionner l’achat d’une tablette ou d’un ordinateur pour un jeune scolarisé, enseigner les bases de développement de code (Python, html, etc.) dès le lycée en informatique par exemple », suggère-t-elle.

Kriss va plus loin, elle propose même la création d’incubateurs de start-up dans tous les quartiers populaires des deux grandes villes du  Congo. Elle envisage, pour le secteur, de créer des échanges entre les écoles et les universités des pays comme le Kenya, la Côte d’ Ivoire et le Sénégal pour que les jeunes puissent comprendre comment les nouvelles technologies peuvent interagir avec leur environnement et changer leur vie.

Diversifier l’économie en soutenant l’entrepreneuriat

Si les petites entreprises ne peuvent pas miser sur le pétrole, le bois ou les mines, les start-up, qui grossissent déjà les statistiques du Centre de Formalités des Entreprises, peuvent s’attarder sur d’autres services et diversifier l’économie, explique Vérone Mankou. « Chaque création d'entreprise dans l'industrie non extractive est un pas de plus vers la diversification de l'économie congolaise », soutient-il.

Une réalité que doit conforter l’Etat à travers la création d’un environnement propice à l’éclosion d’affaires. « Je pense notamment à une fiscalité plus encourageante, une facilitation administrative et un accompagnement plus efficace », propose le directeur général de VMK et président de la fondation BantuHub.

Le développement des PME et PMI et des start-up ne renforce pas seulement la diversification de l’économie mais également de l’économie tout court, renchérit Kriss Brochec.  « Croyez-vous qu’aujourd’hui aussi grande soit–elle, la place de l’Amérique serait la même au niveau mondial, si ce pays n’était pas le berceau de Microsoft, d’Apple et des autres mastodontes », s’interroge la directrice de Congo Web Agency également présidente de l’Association de Mpaka pour l’intégration et le développement.

Elle estime qu’il faut donner la chance aux startups, qui ont d’autres besoins à satisfaire, pour émerger. C’est un moyen pérenne, durable  pour le gouvernement congolais de lutter contre le chômage des jeunes et d’aborder de manière sereine la diversification de l’économie du pays, note Kriss. 

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Vérone Mankou PDG de VMK Kriss Brochec Directrice générale de Congo Web Agency

Notification: 

Non