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Anticiper les crises, oui mais comment ?

Lundi 25 Août 2014 - 11:24

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Ne nous leurrons pas : les évènements tragiques auxquels nous assistons étaient tous prévisibles et auraient tous pu être prévenus si leurs signes annonciateurs avaient été correctement interprétés. Les deux exemples suivants, puisés dans l’actualité immédiate, le confirment de façon accablante.

Premier exemple : la déstabilisation de la zone sahélo-saharienne, qui menace de s’étendre à l’Afrique de l’ouest et même à l’Afrique centrale résulte directement des décisions prises par les puissances occidentales d’abattre, pour des raisons obscures, le « Guide » libyen Mouammar Kadhafi après l’avoir encensé et honoré. N’écoutant aucun  des conseils qui leur étaient donnés par les dirigeants africains, au premier rang desquels figurait d’ailleurs le Président du Congo, ces puissances ont initié le processus destructeur qui s’est enclenché au Mali, menace très directement les pays limitrophes, tend à s’étendre vers le Sud, a fait du désert qui sépare l’Afrique du nord de l’Afrique sub-saharienne une zone de non droit où prolifèrent tous les trafics, a accéléré la fuite vers l’Europe des migrants en quête de travail et de protection sociale, bref a déstabilisé durablement une région du monde promise jusqu’alors à un bel avenir en raison de son dynamisme humain et de l’ampleur de ses ressources naturelles.

Deuxième exemple : la guerre de religion qui ensanglante le Moyen-Orient est la conséquence directe des erreurs en série commises par les États-Unis dans cette région du monde lorsque, pour des raisons bassement matérielles, ils déclenchèrent une guerre absurde contre l’Irak, tentèrent de se substituer à la Russie en Afghanistan qu’elle venait de déserter, laissèrent leurs alliés israéliens bloquer l’émergence d’un État palestinien digne de ce nom, furent à deux doigts d’éliminer Bachar Al Assad en Syrie et d’entrer en conflit ouvert avec l’Iran. Une série d’erreurs stratégiques qui se sont combinées de façon telle qu’elles ont favorisé dans cette partie du monde l’émergence d’un Islam extrémiste, aussi aveugle qu’inhumain,  dont l’extension menace désormais la paix sur toute l’étendue du Proche et du Moyen-Orient. Avec, comme conséquence, le retour forcé des forces américaines là où précisément elles s’étaient illustrées par leur incapacité à restaurer la paix.

Cette analyse, difficile à accepter par les puissances qui commirent ces erreurs historiques mais de plus en plus ouvertement admise par leurs propres dirigeants, débouche inévitablement sur une interrogation dont on peut être certain qu’elle nourrira de grands débats dans les mois à venir : est-il possible d’anticiper les conséquences que ne peuvent manquer d’entrainer au plan mondial des interventions aussi anarchiques que mal pensées ?

À cette question il est possible de répondre de façon positive en disant simplement que la réédition de semblables erreurs ne sera interdite que le jour où seront prises en considération par la communauté internationale les analyses, les réflexions, les anticipations des États qui, de par leur proximité avec les zones de conflit ouvert ou latent, ont une connaissance réelle des problèmes et qui peuvent, de ce fait, contribuer efficacement à la recherche de solutions raisonnables aux conflits en gestation. Une telle approche suppose, bien sûr, une véritable révolution de la gouvernance mondiale puisqu’elle ne sera possible que le jour où le Conseil de sécurité des Nations unies accueillera en son sein des membres permanents issus du tiers-monde; mais elle seule permettra d’équilibrer une réflexion stratégique qui, pour l’instant, est menée à l’échelle mondiale par des puissances déconnectées de la réalité ou seulement mues par des intérêts égoïstes.

Les évènements à venir diront si cette remarque de simple bon sens va dans le sens de l’Histoire ou si elle relève de l’utopie.

 

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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