Assistance humanitaire : des déficiences dans la prise en charge des refoulés de Brazzaville

Samedi 3 Mai 2014 - 16:00

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Pour sauver ce qui peut l’être encore, le ministère des Affaires étrangères à travers ses services d’actions humanitaires, la division Gestion des catastrophes de la Croix-Rouge, des privés, des Églises, mais aussi diverses ONG tentent tant bien que mal d’apporter secours aux infortunés dont les besoins primaires sont énormes. 

Pris de court par le refoulement massif de ses ressortissants au Congo-Brazzaville, le gouvernement de la RDC paraît, à ce jour, débordé au point de ne savoir à quel saint se vouer pour garantir une bonne prise en charge des personnes rentrées au pays. Il fallait, face à l’urgence, aménager rapidement des sites d’accueil pour contenir ce flux des refoulés dont le nombre n’a cessé d’accroître depuis le 3 avril lors du déclenchement de l’opération « Mbata ya Bakolo » initiée par les autorités de police de la République du Congo. En un mois, plus de 59.000 ressortissants de la RDC ont été contraints de regagner le pays dont 40% d’enfants, à en croire les statistiques fournies par le ministère de l’Intérieur. Dans la foulée, l’on note aussi la présence des RD-Congolais qui, volontairement, ont décidé de faire leurs valises pour rentrer au bercail par crainte de représailles. Ce qui, logiquement, pose un sérieux problème en termes de prise en charge de ces compatriotes venus avec leur lot de problèmes.

Ceux qui ont quelques attaches familiales à Kinshasa ou un réseau relationnel profitable ont vite fait de rejoindre les leurs en attendant de se réorganiser après avoir tout abandonné sur l’autre rive. À l’opposé, il y en a qui n’ont ni parent, ni connaissance à Kinshasa. Ceux-là, plus nombreux, viennent pour la plupart des provinces du Bas-Congo ou de l’Équateur. Beaucoup d’entre eux sont originaires de Gemena, Libenge, Zongo et Boende. Ils ont gagné Brazzaville en transitant par les villes d’Oyo, Impfondo et Bétou en passant par la rivière Ubangui. Ne supportant pas la vie à Kinshasa, ils clament tout haut qu’ils veulent rentrer dans leurs villages.

Conditions difficiles d’hébergement

Tout le problème est que le gouvernement procède de manière progressive en facilitant le retour des uns et des autres. Ce qui n’est pas du goût des concernés qui tiennent à rejoindre leurs bases illico presto. Certains expulsés de l’Équateur ont été ramenés par leurs membres de famille qui, expressément, avaient effectué le déplacement de Kinshasa après avoir été saisis par téléphone. D’autres, par contre, bénéficient de l’assistance du gouvernement qui met à leur disposition une petite somme pouvant leur permettre de prendre un moyen de transport, aérien ou fluvial, pour gagner leurs villages. La proximité avec le Bas-Congo aidant, les ressortissants de cette province prennent généralement les bus disponibilisés par le gouvernement.

Regroupés depuis le 26 avril sur les deux sites aménagés pour les accueillir, en l’occurrence, le stade Cardinal Malula et la cour de la maison communale de Kinshasa, les refoulés de Brazzaville vivent dans une précarité absolue, sans habits, sans nourritures, ni soins médicaux adéquats. Les toilettes mêmes les plus intimes sont faites sur place sur fond des odeurs pestilentielles. Ainsi va la vie sur ces sites où la propreté est loin d’être une règle. Ces refoulés de Brazzaville reflètent, pour ainsi dire, l’image des déplacés en situation de détresse. La plupart passent des nuits à la belle étoile empêtrés dans les quelques rares effets ramenés de Brazzaville exposés aux intempéries. Quelques rares qui justifient d’une bourse relativement garnie s’octroient le luxe de se prémunir d’une bâche ou d’une tente de fortune. Les conditions d’hébergement sont telles que certaines femmes se livrent au premier venu pour se soustraire de cette précarité vecteur des maladies.

Le spectre de l’infiltration

Pour sauver ce qui peut l’être encore, le ministère des Affaires étrangères à travers ses services d’actions humanitaires, la division Gestion des catastrophes de la Croix-Rouge, des privés, des Églises, mais aussi diverses ONG tentent tant bien que mal d’apporter secours aux sinistrés. Des latrines mobiles ont été installées sur les deux sites. Il en est de même des cliniques mobiles du Programme national des urgences et action humanitaire du ministère de la Santé. Nonobstant toutes ces mesures de précaution pour éviter toute propagation des maladies, la prise en charge médicale reste toujours déficitaire. Le personnel soignant manque de matériel approprié pour intervenir en cas d’extrême urgence. Des cas de traumatismes, de paludisme, de convulsions chez les enfants, de plaies infectées, etc., sont régulièrement décelés dans ces sites d’accueil. Le gouvernement est donc obligé de donner suite à toutes les demandes - financière ou logistique - faites par divers intervenants sur les deux sites d’accueil pour une prise en charge efficiente des refoulés du Congo-Brazzaville.      

Outre les conditions d’hébergement à améliorer avec, à la clé, une bonne prise en charge médicale des refoulés, le gouvernement est astreint à identifier correctement les nouveaux arrivants, de manière à s’assurer s’ils sont réellement originaires de la RDC. D’autant plus que des voix s’élèvent pour exhorter l’exécutif national à la vigilance pour filtrer les nouveaux arrivants dans les rangs desquels peuvent se retrouver d’éventuels infiltrés nourris par le dessein de déstabilisation du pays. L’équation se complique davantage lorsqu’on sait que la plupart des refoulés allèguent n’avoir aucune pièce d’identité sur eux, leurs documents ayant été perdus dans la foulée de leur reconduction à la frontière. Dossier à suivre.

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Des refoulés de Brazzaville à la maison communale de Kinshasa