Opinion

  • Tribune libre

Banditisme et délinquance juvénile à Brazzaville

Mercredi 2 Avril 2014 - 0:25

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Le banditisme et la délinquance juvénile se développent dangereusement ces derniers temps dans les établissements scolaires des villes de Brazzaville et de Pointe-Noire. À Brazzaville, cette recrudescence est très perceptible dans les quartiers périphériques des sixième et septième arrondissements.

Dans l’arrondissement six Talangai, plusieurs groupes de gangs et de voyous opérèrent de jour comme de nuit. Chaque groupe a sa zone d’action et y règne en maître. Parmi ces groupes, on cite Kaounga, qui domine sur la zone s’étendant du lycée Thomas-Sankara, la vallée de Moukondo jusqu’au plateau de Nkombo-TV. Le deuxième groupe est dénommé Abeille, il opère dans les quartiers Casis, Bikaroua et le lycée Thomas-Sankara. Il se partage la zone de la gare routière du lycée avec le groupe Kaounga, selon les objectifs. Le groupe B52 opère depuis le lycée Thomas-Sankara jusqu’au rond-point Mikalou. Enfin, il y a le groupe Horizon, réputé pour être le plus grand et le plus dangereux par son mode opératoire et la composition de ses membres. Ici, on retrouve aussi bien des Congolais que des étrangers. Ce groupe opère sur les hauteurs de la montagne et le petit plateau du quartier dit Domaine, qui surplombe les bas-fonds des quartiers Jacques-Opangault en rasant la crête et au-delà jusqu’au pied de la montagne.

La composition et le milieu d’origine des bandits sont hétérogènes. Car, en effet, on retrouve aussi bien des ex-miliciens, des agents de la force publique, des étudiants et beaucoup de lycéens. Rarement des filles. Ils peuvent être issus de familles aisées comme d’un milieu social difficile. Le trait caractéristique de ces jeunes, outre l’âge, est la déstabilisation de leur structure mentale. En famille, ils sont irascibles, violents ou repliés sur eux-mêmes, taciturnes, alcooliques, et en général sournois. Leur âge varie entre 16 et 35 ans, rarement au-delà. Ils ont souvent recours à des substances hallucinogènes et aux drogues douces. Les plus jeunes, qui sont inscrits dans certains établissements de la capitale, sont de véritables fantômes. Pratiquant l’école buissonnière, ils ne s’y rendent que pour opérer soit pour leur propre intérêt soit pour faciliter une opération du groupe. Ces groupes opèrent de nuit ou de jour, aussi bien chez les particuliers que dans les lieux publics. C’est ainsi que certains établissements d’enseignement public sont devenus de véritables champs d’action des gangs. Parmi ces établissements, on cite le lycée Thomas-Sankara.

Ici, ce sont les jeunes adolescents des classes de seconde ou de sixième qui constituent leur proie de prédilection. En effet, venus de l’école primaire ou d’un collège souvent proche de leur milieu d’origine où la proximité du domicile constitue un rempart sécuritaire, ces enfants ont du mal à intégrer des milieux plus cosmopolites et éloignés de leur foyer familial. Ils sont appelés « palins » par les aînés qui n’hésitent pas à les brimer, violenter allant jusqu’à les violer quand il s’agit de jeunes filles. Ici, le téléphone est un appât qui attire tous les rapaces, et ce sont les plus jeunes, c’est-à-dire les plus fragiles, qui en font les frais.

 La structuration de la hiérarchie au sein de ces groupuscules est encore embryonnaire. Si certains d’entre eux sont généralement maîtres dans les arts martiaux ou adeptes de sports de combat, comme le catch, on peut y trouver d’anciens miliciens, des agents de la force publique oisifs et déserteurs. Ils constituent généralement le noyau dirigeant. Et ce sont eux qui fournissent la logistique nécessaire pour faciliter les opérations. Le mode opératoire est caractérisé par l’usage d’armes blanches : machettes, couteaux, et autres instruments traditionnels comme lances et harpons. Les actes perpétrés par ces bandits varient en fonction des objectifs et la qualité de la victime.

Au lycée Thomas-Sankara, par exemple, des cas d’attaques sanglantes sur des élèves ont été signalés. Un surveillant de cette formation scolaire, qui déplore le déficit en personnel d’encadrements et la perméabilité des lieux, avoue la difficulté qu’ils éprouvent à maintenir l’ordre dans cet établissement saturé. En effet après le drame du 4 mars 2012 qui avait rasé certains établissements de la capitale, dont le lycée de la Révolution à Ouenzé arrondissement 5, le gouvernement avait construit plusieurs établissements publics afin de permettre aux nombreux élèves dont les structures avaient été détruites de continuer à bénéficier de leur formation scolaire. La capacité d’accueil du lycée Thomas-Sankara fut presque doublée avec la construction d’un second établissement sur le même terrain. On y dénombre aujourd’hui plus de 6 000 élèves, ce qui rend les conditions de sécurité plus complexes.

À Ngamakosso, un quartier populaire du sixième arrondissement de Brazzaville, il y a quelques jours encore, l’assassinat d’un agent de la force publique par des bandits avait obligé la police à organiser un ratissage du quartier. Cette opération avait permis de mettre la main sur plusieurs bandits de nationalité étrangère et un Congolais.

La situation du banditisme est devenue préoccupante dans nos deux capitales. Il est urgent qu’une réflexion sérieuse soit menée par tous les acteurs nationaux afin d’identifier les causes réelles du phénomène, et de proposer des solutions efficaces et durables.

Emmanuel Mbengué

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Tribune libre : les derniers articles