Brexit : l’UE fait barrage à la tentative de Theresa May de renégocier

Mercredi 30 Janvier 2019 - 17:22

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Bruxelles a rapidement fait obstruction face aux velléités de la Première ministre britannique, ragaillardie par l’appui de son parlement de rouvrir les négociations sur l’accord de divorce.

Les vingt-sept partenaires du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne (UE) s’arc-boutent sur leur ligne martelée depuis plusieurs semaines : hors de question de rouvrir les discussions sur le texte de l’accord de retrait, qui contient notamment la description du « filet de sécurité » sur l’Irlande, ce « backstop » controversé dans les rangs des députés britanniques.

Le porte-parole du président du Conseil européen, Donald Tusk, avec lequel Theresa May devait s’entretenir en fin d’après-midi du 30 janvier, a fait preuve de cette même fermeté juste après le vote du parlement britannique en faveur de nouvelles négociations, appuyé par les deux poids-lourds de l’UE, la France et l’Allemagne.

La réouverture des négociations sur l’accord de retrait n’est « pas à l’ordre du jour », a affirmé le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, le 30 janvier, au lendemain de déclarations similaires du président français, Emmanuel Macron, qui a répété que l’accord était « le meilleur possible ».

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, étaient attendus sur le sujet le même jour dans l’après-midi, au parlement européen.

Le 29 janvier, les députés britanniques ont voté un amendement déposé par le conservateur Graham Brady, demandant à trouver des « arrangements alternatifs » aux dispositions relatives au « backstop » qui vise à éviter le rétablissement d’une frontière physique entre la province britannique d’Irlande du Nord et la République d’Irlande.

Le gouvernement avait décidé, peu avant le vote, de soutenir cet amendement. Un revirement de taille pour Theresa May qui proclamait que son « traité de retrait » de l’UE, âprement négocié pendant dix-sept mois mais rejeté il y a deux semaines par l’écrasante majorité des députés britanniques, était le « meilleur » et « le seul possible ».

Si l’adoption de l’amendement était considérée mercredi comme une victoire par les tabloïds britanniques, l’UE semble loin d’être prête à accepter une requête qu’elle a déjà repoussée à plusieurs reprises.

« La dynamique a changé », s’est pourtant réjoui sur la BBC le ministre chargé du Brexit, Stephen Barclay, qui voit « un mandat clair pour que la Première ministre retourne devant les Européens afin de dire : voici ce que le parlement soutiendra ».

Selon lui, les craintes d’un divorce brutal vont forcer les dirigeants européens à accepter de nouvelles négociations à moins de deux mois du Brexit, prévu pour le 29 mars.

La nouvelle position des Britanniques a suscité des remarques cinglantes au niveau européen. « C’est comme dire au cours d’une négociation : eh bien soit vous me donnez ce que je veux, soit je saute par la fenêtre », a réagi le ministre irlandais des Affaires étrangères, Simon Coveney, à la radio RTE. « C’est une situation extraordinaire, quand un Premier ministre et un gouvernement négocient un accord et ensuite retournent chez eux et pendant la procédure de ratification votent contre leur propre accord », a-t-il déploré.

Et le parlement européen, qui a déjà clairement fait savoir qu’il ne ratifierait pas un accord de retrait sans la présence du filet de sécurité irlandais, ne l’entend pas non plus de cette oreille.

Guy Verhofstadt, qui préside le groupe du parlement européen sur le Brexit, a souligné que la clause de sauvegarde sur l’Irlande était « absolument nécessaire » et qu’il n’y avait pas beaucoup de place pour des changements.

« Dire qu’on est contre le backstop, c’est comme dire qu’on est contre le mauvais temps. On peut dire qu’on est contre mais on ne peut pas l’empêcher », a répliqué, de son côté, Philippe Lamberts, un eurodéputé Verts et membre du groupe sur le Brexit. « Il est clair qu’il n’est pas question » d’apporter des modifications aux « arrangements trouvés avec le Royaume-Uni » : « La question c’est : est-ce que du côté de la Chambre des communes, ils sont prêts à se contenter d’arrangements cosmétiques ? », a-t-il ajouté.

Dans ce contexte, la possibilité d’un Brexit sans accord continuait de hanter les esprits. C’est à ce scénario que se préparait, le 30 janvier, le patronat britannique.

« Je ne pense pas qu’il y aura une seule entreprise ce matin qui arrêtera ses préparatifs en vue d’un no deal après ce qui s’est passé hier », a déclaré Carolyn Fairbairn, la directrice de la CBI, la principale organisation patronale britannique, ajoutant: « Je crains même que cela ne les accélère ».

Theresa May s’est engagée à faire voter un accord remanié "dès que possible". Dans le cas où elle n’obtiendrait pas cet accord d’ici au 13 février, elle a annoncé son intention d’organiser un vote le 14 février pour laisser les députés s’exprimer sur ce qu’ils veulent.

Pour Anand Menon, un chercheur au King’s college de Londres, la démarche adoptée par la dirigeante conservatrice a pour but de « prouver aux députés, à part les plus récalcitrants, que le backstop ne peut pas être renégocié et qu’ils vont donc devoir affronter la réalité du Brexit : soit voter pour l’accord, soit pour un nouveau référendum ou bien une sortie sans accord ».

Nestor N'Gampoula et AFP

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