Bruxelles : le Dr Denis Mukwege s'insurge contre les "ennemis de la démocratie" en RDC

Lundi 28 Mai 2018 - 19:00

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Au cours d'une conférence de presse animée le 28 mai, au Press club Brussels, le gynécologue congolais qu'accompagnaient les Prs André Mbata et Alphonse Maïndo a de nouveau appelé à une transition politique sans l'actuel chef de l'État, convaincu que la tenue des élections en décembre est peu probable.

La conférence de presse de Bruxelles s'inscrivait dans le cadre d'une campagne de sensibilisation menée par le Mouvement social des intellectuels congolais, mis en place par une quarantaine de professeurs d'universités  de la République démocratique du Congo (RDC). « La République démocratique du Congo est à la croisée de chemins de son histoire sociopolitique et humanitaire ainsi que des mandats autorisés par la Constitution. Après avoir passé dix-sept ans au pouvoir, épuisé les deux mandats autorisés par la Constitution, glissé pour la deuxième fois, le régime en place cherche les voies et moyens de rester au pouvoir au mépris de notre Constitution. Il est de notre responsabilité, en tant que citoyens et en vertu de l’article 74 de la Constitution, d’alerter tant l’opinion nationale qu’internationale et de faire barrage à la tentative du système qui régit le pays de conserver le pouvoir, sur la gravité de la situation que traverse notre pays et la nécessité, pour chaque citoyen, de s’engager pour faire échec au système de prédation pour éviter l’implosion du Congo que par la sagesse et la retenue habituelle du peuple congolais nous avons su éviter », a fait savoir le Dr Denis Mukwege .

L'émiettement du Congo voulu par les ennemis de la démocratie

Le médecin congolais a poursuivi que les ennemis de la démocratie ainsi que de la paix n’ont pas lâché prise sur la RDC et accélèrent des stratagèmes pour atteindre leur but final : son émiettement. « Certes, notre position de faire une transition sans Kabila ne fait pas l’unanimité sur le plan national qu’international de la part des acteurs politiques et économiques au Congo. Mais pourquoi voudriez-vous que cette position fasse l’unanimité de la part des prédateurs ? Tout le monde veut le changement des hommes afin d’apaiser la population , mais ne va pas jusqu’à se positionner en faveur du changement du système », a-t-il regetté. Il a souligné qu'au moment où le Conseil des ministres des Affaires étrangères européen se réunit pour discuter notamment de la situation politique et sociale en RDC, les Congolais, membres de la société civile et professeurs d'universités veulent attirer l’attention du monde sur ce pays qui se meurt.

Une situation humanitaire toujours préoccupante

Au sujet de la grave crise humanitaire qui sévit en RDC, où treize millions de personnes dépendent complètement de l’aide, soit 50% de plus qu’en 2017, le médecin directeur de l'hôpital de Panzi a estimé que celle-ci n'a jamais été aussi pire. « Cette crise sans précédent est directement liée à l’insécurité provoquée par les conflits armés, la crise politique et à la mauvaise gouvernance», a-t-il fait savoir. « Une telle misère n'est plus supportable d'autant plus que selon un autre rapport de l'ONU, le gouvernement congolais fait si peu pour apaiser les souffrances de la population alors que, dans le même temps, ses membres semblent se remplir les poches », a déploré le Dr Denis Mukwege. Il a rappelé, avec une pointe d'ironie, qu'à la conférence humanitaire sur la RDC, le 13 avril dernier à Genève, afin de lever des fonds, les autorités congolaises avaient répondu que la crise humanitaire était due aux facteurs naturels et, pour finir, se sont abstenues d'y participer. « Les 528 millions de dollars américains qui ont été récoltés étaient très généreux, les Congolais vous en remercient, mais malheureusement, ce n'est pas suffisant. L'ONU avait demandé 1,7 milliard de dollars pour sauver les treize millions de Congolais - et plus particulièrement les quatre cent mille enfant sau Kasaï- qui ont survécu à la pire brutalité de la guerre qui risquent de mourir de faim », a signifié le médecin.

Un pays pris en otage

Pour le Dr Denis Mukwege, la RDC est devenue le pays de « tout va bien Mme La Marquise. » « Il est donc facile de comprendre que dans la stratégie du chaos et de la violence, le pays est pris en otage par un groupe d’individus dont la situation actuelle s’accommode à leurs intérêts », a-t-il martelé, soulignant que seul un processus électoral totalement libre, juste et transparent peut commencer à résoudre toutes ces crises. C’est pour cela, a-t-il argumenté, les Congolais militent pacifiquement, au risque de leurs vies, pour réclamer le retour à l’ordre constitutionnel avec des élections libres, équitables et transparentes - une condition préalable pour la bonne gouvernance, l'amélioration des conditions de vie, la paix et à la stabilité durables. « La question maintenant est de savoir, par quel miracle ce gouvernement qui a spolié le peuple, qui a bradé nos terres aux prédateurs, qui a fait montre de tant d'incapacités à agir pour le bien de tous, va organiser des élections libres et transparentes dans moins de six mois », s'est exclamé le médecin congolais.

Ramener la RDC à la constitutionnalité

L'orateur a affirmé que plus la crise politique continue, plus la crise humanitaire va perdurer. Seules des élections libres, justes et transparentes peuvent commencer à mettre fin à la crise politique en cours ainsi qu'à la violence et à la crise humanitaire qui l'ont accompagnée, et ramener le Congo à la fois à la constitutionnalité et à une voie démocratique. « C’est pour cela que je fais appel aux pays amis en Afrique, en Europe et  en Amérique, mais particulièrement à la SADC, de soutenir le Congolais dans cette démarche de mettre en place un mécanisme de transition citoyenne sans Kabila qui puisse favoriser des élections libres et démocratiques, pour inaugurer des lendemains faits d'espérance en République démocratique du Congo », a lancé le médecin, appelant le peuple congolais  à résister contre l’asservissement et substituer la lutte de positionnement à celle de la libération du pays.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photo1 et 2: Le Dr Mukwege pendant la conférence de presse

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