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Burkina Faso: la mauvaise loi

Samedi 18 Avril 2015 - 14:10

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L’exclusion a souvent été une pratique politique courante dans beaucoup de pays, lorsqu’un régime succède à un autre, même de façon démocratique, pour gérer le pouvoir d’Etat. Bien plus lorsque le pouvoir en place est balayé par une révolution populaire fut-elle violente ou non. C’est, à peu près, ce que vit le Burkina Faso, aujourd’hui, avec cette loi votée, le 7 avril par le parlement intérimaire, le Conseil national de transition. Au terme de celle-ci, les anciens dirigeants du pays, sous Blaise Compaoré, ne peuvent prétendre à briguer un mandat électif.

Il s’agit, ni plus ni moins, à travers un tel dispositif légal, d’un saut dans l’inconnue pour ce pays dont le monde a salué, il y a quelques mois, le fait d’être parvenu à opérer un changement de grande envergure en circonscrivant les échauffourées redoutées à la seule ville de Ouagadougou, sa capitale administrative. Bien entendu, les arguments pesant en faveur de cet arbitrage sont nombreux et même pertinents, si l’on considère que le Burkina Faso aurait pu sombrer dans le chaos, si le bras de fer entre le pouvoir et l’opposition né du débat sur la Constitution n’avait pas trouvé sa voie.

Il est ressorti, justement dans le camp des opposants à la présence des anciens dirigeants sur les listes électorales, que ces derniers n’avaient rien fait pour empêcher Blaise Compaoré de chercher à rempiler, et qu’ils devaient de ce fait payer leur arrogance et leur cupidité. C’est, en effet, de cette façon, depuis toujours, que s’exprime la justice populaire, expéditive, prompte à porter sur l’échafaud et à mettre à mort des tiers parfois sur un simple soupçon. Le Burkina Faso a-t-il besoin d’un tel retour en arrière, alors que le peuple qui s’était soulevé les 30 et 31 octobre 2014 contre ses anciens dirigeants attend plus de transparence, mais aussi plus de justice dans la gestion de la Cité ?

Deux options auraient été exploitables : où le pouvoir de transition estimait avoir suffisamment de marge de manœuvre et mettait en branle la justice pour traquer les anciens dignitaires contre qui pèseraient des soupçons de malversations, de détournements de biens publics ou de crimes de sang et les présentait devant les tribunaux. Où, alors, le temps, trop court de la transition ne l’autorisant pas, elle laissait au souverain primaire, ce peuple qui s’était révolté contre ceux-ci il n’y a pas longtemps que cinq mois, le choix de les sanctionner dans les urnes. De cette façon, ils tireraient une fois pour toutes les leçons de leurs forfaitures supposées. Le contraire, s’appelle la loi du plus fort. Elle est le propre des arènes politiques, lorsque leurs acteurs expérimentent habilement le « ôte-toi de là que je m’y mette ».

En tout état de cause, et les peuples sont très souvent revenus sur leurs pas, tant que les actes délictueux reprochés aux proches de Blaise Compaoré ne relèveront pas de la justice et du droit, les nouvelles autorités qui s’installeront à la tête du pays des hommes intègres au sortir des élections du mois d’octobre prochain, pourront être confrontées à un problème majeur : celui de passer tout leur mandat non pas à résoudre les problèmes du quotidien des Burkinabés, mais à traquer politiquement la nouvelle opposition qui, ainsi va la vie politique sous tous les cieux, profitera à son tour de la misère et même de la naïveté de la population pour montrer du doigt la scène et dire à qui voudra l’entendre : «  À notre époque, c’était mieux ! ».

La plupart du temps, le peuple, le même peuple, reste attentif à un tel discours, prêt à enclencher de nouvelles révolutions tant il en a toujours les ressorts.

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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