Café économique : Adolphe Muzito table sur l’exploitation bancale des ressources naturelles de la RDC

Mardi 18 Avril 2017 - 14:36

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Député national élu de la ville de Kikwit dans la province du Kwilu pour le compte du Parti Lumumbiste unifié (Palu), Premier ministre honoraire et ancien ministre du Budget, Adolphe Muzito a été l’orateur d’un café économique organisé, le samedi 15 avril 2017 dans une salle des conférences du Collège Boboto dans la commune de Gombe à Kinshasa, par la Dynamique des jeunes pour la transparence dans la gestion des ressources naturelles (Dyjet).

Cette structure des jeunes a invité l’initiateur de l’« Université populaire » et du « Dialogue vertical » en RDC à éclairer la lanterne de l’opinion sur un thème important : « Les perspectives économiques de la RDC : rôle du secteur minier ». L’homme aux quinze tribunes (réflexions qui traitent de l’activité politique, économique et sociale) a, sous la modération du professeur Omanga, galvanisé la salle par sa maitrise de la vie économique du pays, lui qui a été littéralement le gérant du pays trois années, avec à la clé, l’atteinte du point d’achèvement (annulation de la dette extérieure congolaise).

PIB, Budget…

Adolphe Muzito a d’entrée de jeu évoqué deux approches nécessaires pour envisager des perspectives économiques de la RDC à partir du secteur minier, ou encore de manière large, du secteur des ressources naturelles. Il y a l’approche libérale avec l’Etat qui assainit le climat des affaires pour permettre au secteur privé d’impulser l’économie nationale ; en ce moment-là, l’Etat encadre l’évolution et le développement de l’économie par le secteur privé. Et l’approche volontariste, c’est cependant elle qui convient à la RDC selon l’orateur au regard de la situation générale du pays. Ici, le gouvernement doit élaborer un plan d’action économique sur base des objectifs qu’il s’assigne.

L'ancien ministre du budget a souligné, dans son état de lieux, que le Congo démocratique dispose d’énormes potentialités en eau, forêt et ressources énergétiques, mais tout cela contraste avec la réalité, avec des indicateurs économiques au rouge, notamment le Produit intérieur brut (PIB), le budget de l’Etat, et la balance de paiement. Adolphe Muzito a fait savoir qu’il faut « savoir d’où on vient et où on va, fixer l’horizon en quantifiant ». Aussi s’est-il appesanti sur les chiffres qui interpellent ! Il a noté que le PIB de la RDC est de 40 milliards Usd en RDC pour une population de plus ou moins 70 millions d’habitants. L’Angola dispose d’un PIB de 100 milliards Usd, le Nigeria de 480 milliards Usd et le Congo Brazzaville de 10 milliards pour une population de moins de 5 millions d’habitants. Le PIB par habitant de la RDC est de 500 Usd par an, soit 1,5 Usd par jour, celui d’un Congolais de Brazzaville est de 1800 Usd par an, d’un Ivoirien de 4 à 5 Usd par jour, et la moyenne africaine est de 1500 Usd par an, alors que le seuil de pauvreté est de 2 Usd par jour. Avec ces statistiques, la RDC est un pays « sous pauvre », a indiqué l’élu de Kikwit. Et si l’on se fixe l’objectif de sortir du seuil de pauvreté, on doit multiplier le PIB national par 5 ou 6.

La cruciale question de l’emploi a aussi été abordée par le Premier ministre honoraire ; il a laissé entendre que le chômage s’accroit de manière exponentielle. Il y a augmentation du nombre de ceux qui perdent leur emploi à cause de la récession, et aussi hausse du nombre de la population active, avec surtout des jeunes à l’âge de travailler (à partir de 15 ans) ; chaque année, 1,5 million de jeunes intègrent la population active. Et l’horizon de la RDC est flou, sombre, le chômage va augmenter de plus en plus car l’Etat ne créé pas des emplois dont le nombre doit égaler celui des jeunes qui entrent dans la vie active.

Ressources naturelles sous exploitées…

S’attardant sur le budget national, Adolphe Muzito a rappelé que le gouvernement a prévu 4,6 milliards Usd, suite à la récession sur le marché international des produits miniers car les mines, principalement le cuivre et cobalt participent au budget national à 95 %. Il a démontré que les potentielles ressources naturelles ne reflètent aucunement leur niveau actuel d’exploitation. La RDC possède 10 % de forêt tropicale mondiale, et 47 % des ressources tropicales de l’Afrique, soit 160 millions d’hectares (1,6 million de km2). Mais le pays ne produit que 100 à 200 mille m3 de bois dont l’exportation ne rapporte que 100 millions Usd, alors qu’on peut potentiellement produire 500 millions de m3. Le Gabon qui ne possède que 20 millions d’hectares produit 4 millions de m3 qui génèrent des recettes de l’ordre de 2 milliards de dollars par an. Le pays au cœur de l’Afrique dispose de 160 millions d’hectares des terres arables et de 20 millions de tonnes de fer (2e ou 3e au monde) non exploité et encore moins transformé en acier. Les potentialités en énergie hydroélectrique sont de 100 mille mégawatt dont 2% seulement sont exploités.

La RDC, c’est aussi des potentielles ressources en hydrocarbure de 30 milliards de baril alors que l’Angola n’a que 9 milliards de réserve. Mais le pays ne produit que 30 mille barils par jour qui rapportent 400 millions de Usd par an, l’Angola de son côté produit 2 millions de barils par jour pour 47 milliards Usd par an. Parlant justement des mines, le député national élu de Kikwit dans le Kwilu a indiqué que les réserves de la RDC sont de 90 millions de tonne et la production était de 100 mille tonnes par an au début des années 2000. Aujourd’hui, elle se situe au niveau d’un million de tonnes par an. L’exportation a rapporté en général 10 milliards Usd et le budget de l’Etat est aujourd’hui totalement dépendant de la manne financière émanant de l’exportation du cuivre et du cobalt, étant la merci des humeurs du marché international ; l’agriculture par exemple ne participe au budget qu’à moins de 5 %. Les 60 ans d’exploitation minière se soldent par des échecs des plans de développement. Pour Adolphe Muzito, il faut un modèle économique intégré, exploiter l’ensemble des potentialités de la RDC en ressources naturelles pour espérer développer l’économie nationale et naturellement améliorer le bien-être social.

Financement des élections…

Répondant à une question sur le financement des élections, Adolphe Muzito a été sans ambages : le gouvernement doit déclarer le pays en faillite afin d’accéder aux financements étrangers pour soutenir l’organisation des élections. La position actuelle du gouvernement de la RDC de repousser l’aide financière étrangère est très incommode, car en ce moment-là, on sera emmené à recourir à la planche à billet pour constituer un matelas financier des élections ; et cela s’accompagne de l’effet pervers d’’inflation galopante. Car, on va émettre des billets pour ensuite acheter la devise, le dollar en occurrence.

Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

Adolphe Muzito entouré du professeur Omanga et du coordonnateur de la Dyjet à la fin du café économique

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