Campagne électorale : l’intolérance politique bat son plein

Mardi 11 Décembre 2018 - 16:30

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À dix jours de la fin de la campagne, l’on assiste de plus en plus aux accrochages entre la coalition « Lamuka », la plate-forme Cap pour le changement (Cach) et le Front commun pour le Congo (FCC) via leurs candidats respectifs à la présidentielle. Chacun d’eux a sorti sa grande artillerie…

Démarrée le 22 novembre dernier, la campagne électorale est en train d’amorcer sa courbe descendante en attendant sa clôture déjà imminente. Les candidats à la présidentielle, qui jettent leurs dernières forces dans la bataille, ne lésinent plus sur les moyens sachant que le temps leur est désormais compté. Tout est mis à profit pour freiner l’élan d’un adversaire ayant pris une longueur d’avance. Dans les officines des candidats, des stratégies sont concoctées au fil du temps pour capitaliser les chances de réussite. Il n’y a, pour l’heure, aucune concession ni cadeau à se faire. Le jeu tend à devenir viril. La confrontation électorale a quitté les sentiers de la morale et de la bienveillance pour se mouvoir dans les méandres de la provocation, de la haine tribale et de l’injure facile.

Les trois principaux favoris à la présidentielle, en l’occurrence Martin Fayulu, Félix Tshisekedi et Emmanuel Ramazani Shadary, sont embrigadés, malgré eux, dans une spirale d’intolérance politique difficile à gérer via leurs partisans mués soudainement en fanatiques zélés. Ces derniers supportent mal la contradiction et ne jurent que par leur leader déjà plébiscité avant l’épreuve de l’urne. Dans cette atmosphère électorale, tous les coups sont permis, y compris mettre des crocs-en-jambe aux concurrents en utilisant toutes les voies, même les plus abjectes.

La ville de Mbuji Mayi a été, sans nul doute, la première à servir à l’opinion des scènes d’intolérance politique dans la foulée du lancement officiel de la campagne du candidat du FCC, Ramazani Shadary. Des jeunes à la solde du gouverneur FCC Alphonse Ngoy Kasanji auraient été montés contre ceux de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) à l’endroit desquels des mesures restrictives ont été prises afin de limiter leur mobilité en cette période de campagne. Bataille rangée entre les deux camps, effigies des candidats arrachées, attaque de carnavals motorisés, jet de pierres, etc., de quoi rendre l’atmosphère crispée dans cette ville politisée à outrance. Auparavant, un autre candidat, Alain Shekomba, dénonçait dans les médias l’attaque dont son cortège et lui-même avaient été victimes au niveau de Kongo central où il bat campagne.    

L’opposition se déchire à l’est

Le 9 décembre, l’avion du candidat de la coalition Lamuka, Martin Fayulu, a été interdit de se rendre à Kindu où une foule compacte l’attendait. Un cas, comme d’autres, qui illustre le niveau d’intolérance qui, actuellement, gangrène le microcosme politique congolais. Des jeunes du PPRD (au pouvoir) et les partisans de Lamuka, visiblement instrumentalisés, en sont venus aux mains. Les éléments de la police qui ont tenté de les disperser au moyen de gaz lacrymogène en ont eu pour leur compte. Il y a eu des blessés graves. Dans la foulée, les bureaux de certains partis politiques affiliés à Lamuka ont été incendiés.

Alors que l’épisode de Kindu était encore frais dans les esprits, l’opinion a été gratifiée d’une scène quasi similaire, cette fois-ci à Bunia, en Ituri, où le candidat Félix Tshisekedi qu’accompagne son colistier Vital Kamerhe avait atterri le même jour, soit le 9 décembre, en provenance du Sud-Kivu. Alors qu’il tenait un meeting devant une foule des partisans, le fils Tshisekedi était plus d’une fois conspué par un groupe de jeunes scandant le nom de Fayulu comme pour le tourner en bourrique. Des jeunes gens hystériques habillés en T-shirts de Moïse Katumbi ont joué aux trouble-fêtes tout au long du discours de Fatshi. Des qualificatifs du genre « traitre » ou encore « vendu » fusaient au milieu de la foule, perturbant par moment le déroulement du meeting qui s’est clôturé dans la confusion. Ayant eu vent de cette provocation qu’il met sur le compte des leaders de la coalition Lamuka, « jaloux » selon lui de l'engagement du tandem Fatshivit dans la campagne électorale, le secrétaire général de l’UDPS a promis de réagir avec force en cas de récidive.

Jean Marc Kabund a, au cours d’un point de presse improvisé le lendemain, invité Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi et Antipas Mbusa Nyamwisi à « cesser de provoquer le peuple en instrumentalisant certains fils du pays pour qu’ils s'attaquent avec violence au président Félix Tshisekedi et Cach». Pendant ce temps, Martin Fayulu, qui a mis le cap sur Lubumbashi (Haut-Katanga) où il est arrivé le 11 décembre, a exacerbé par sa présence une tension qui couvait déjà dans la capitale cuprifère. La police a eu du mal à contenir la masse qui a déferlé à l’aéroport de la Luano pour accueillir le candidat numéro 4 malgré l’important dispositif sécuritaire mis en place. Plusieurs coups de gaz lacrymogne ont été tirés pour dissuader les Lushois à rebrousser chemin. Mais hélas !

La réplique de la majorité

Ici et ailleurs où Martin Fayulu et Félix Tshisekedi ont éprouvé maintes difficultés à rencontrer leurs bases respectives, sans parler d’attaque dont leur convoi a souvent été l’objet, l’opposition y voit la main du pouvoir. Elle l’accuse, entre autres, « de payer les jeunes et d’embrigader certains agents de l’ordre, policiers comme militaires, ainsi que des éléments de l’ANR, pour détacher les affiches et les banderoles des candidats de l’opposition et ce, à travers tout le pays ».

Face à une telle imputation d’extrême gravité, la majorité présidentielle est montée au créneau pour recadrer ses pourfendeurs. Dans un communiqué publié le 10 décembre et signé par son porte-parole, Alain Atundu, elle fait observer que ces différents incidents « ont été provoqués par les ennemis de la démocratie et du peuple congolais dans le but inavoué de laisser, à l'opinion internationale, l'impression fictive d'un chaos électoral (...) pour bloquer net le processus électoral et imposer une transition sans Kabila ». Et d’inviter les membres du FCC « à ne pas céder à ces provocations programmées pour ne pas hypothéquer dangereusement tous les efforts consentis par le président durant des années pour aboutir à l'organisation d'élections crédibles ».              

Alain Diasso

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