Castador, le temple de la rumba congolaise

Samedi 14 Février 2015 - 9:09

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Certains disent que c’est le temple de la Rumba congolaise, d’autres disent que c’est un monument historique, un musée, un conservatoire à nul autre pareil en République du Congo. Planté au milieu du Grand marché de Pointe Noire, « Chez Castador » est une buvette des années 60 où l’on dépoussière les vinyles de la belle époque, celle des African Jazz, des Bantous de la Capitale ou de Tabu Ley Rochereau…

Au second étage d’un nganda ouvert au vent du Grand marché de Pointe Noire, Georges Bayonne Castador règne en maître absolu des platines. La Rumba congolaise, il la connaît sur le bout de ses doigts. Sur les étagères, dans les cartons ou à même le sol, des centaines et des centaines de 45 et 33 T des deux Congo, mais aussi de la France des sixties, à l’époque où Ponton La Belle dansait encore le Boléro ou le Cha Cha Cha. «Il y avait bien avant, à Savon, du côté de Tié-Tié, "Joli Soir" où jouaient des orchestres, mais il a disparu», regrette un vieux papa sagement assis devant une Turbo King ou, si vous préférez, "une affaire d’homme ". Si la richesse culturelle musicale du Congo-Brazzaville fleurit dans les mémoires, les mélomanes déplorent un sérieux manque de technique de conservation des précieux disques de l’âge d’or de la Rumba.

L’enfance de Georges Bayonne Castador a quant à elle été toujours rythmée par la musique : «Le père ne parlait pas beaucoup. Notre quotidien, c’était l’école ou la maison, je fréquentais le Lycée Karl Marx devenu aujourd'hui lycée Victor Augagneur. Aller au Cinéma Rex relevait d’un véritable courage car il fallait ruser pour déjouer l'attention du père. Alors, j’écoutais le plus souvent de la musique, initié par les grands du quartier aux refrains de Joseph Kabasele Tshamala, dit "Le Grand Kallé ". Le reste du temps j’aidais le vieux à vendre».

Ça pourrait être l’histoire de la Rumba, mais c’est aussi une histoire de famille

Avec ses sœurs, au décès de son père, Georges prend en main l’établissement. Aujourd’hui, sa fille Fatou est venue aider à préparer le Maboké «Ici, on écoute de la musique en dégustant une bière locale mais on peut aussi manger à bon prix, c’est un endroit très convivial». Quoique teintée d’une certaine nostalgie, la joie de vivre respire ici à pleins poumons : «De table en table, on échange aussi sur les questions de société, de religion, d’économie», surenchérit Roland, chirurgien à l’hôpital de Loandjili.

"Chez Castador" est sans aucun doute le temple incontournable de la Rumba Congolaise. Des artistes y sont venus réaliser leurs clips, comme le célèbre Youlou Mabiala ou bien encore Isso de la RDC, d’autres artistes encore… «C’est un lieu culturel c’est certain. Il m’arrive aussi très souvent de dépanner des chaînes de télévision ou des radios qui cherchent un collector, une perle rare », esquisse Georges dans un large sourire, avant d’entamer quelques pas de danse sur un air du Grand Maître Franco.

Dépoussiérant un vieux 45 tours qu’il pose délicatement sur sa platine, Georges Bayonne Castador dit connaître tous les morceaux d’hier par cœur. «Cela ne s’arrête pas au Congo d’ailleurs, je peux te jouer une vieillerie de Rumba Cubaine si tu préfères»… De Kinshasa à Brazzaville en passant par La Havane, ce voyage en musique qui remonte le temps passe aussi par Paris et ses succès d'hier, ceux de Claude François ou de Johnny Halliday... On sent le saphir un peu usé, les sillons des disques un peu plus creusés, mais ces craquements de vinyle ont le parfum d'hier et là est tout le charme... 

 

 

Philippe Édouard

Légendes et crédits photo : 

Crédits photo: Philippe Edouard