Cécile Kyenge contre Ligue du Nord : le match continue

Il se passe des choses littéralement renversantes au mouvement de la Ligue du Nord, parti réputé xénophobe et anti-immigré. Dans sa volonté de mue, le parti n’hésite plus à inverser ses repères reconnus, passant d’accusé à accusateur. Pendant longtemps, la Ligue du Nord a été le mouvement qui a prôné d’accueillir les étrangers à coups de canonnade en Italie, traité Cécile Kyenge « d’orang-outan », estimé que Blancs et Noirs n’avaient pas le même quotient intellectuel et d’autres aménités du genre.

Mais, sans renier son discours d’il y a seulement quelques mois dans son fond, la Ligue du Nord a entrepris une conquête plus large de l’opinion nationale italienne. Il faut dire que  dimanche la péninsule va au vote pour des élections municipales et territoriales qui vont dresser l’état des forces réel du pays. Alors la Ligue est allée battre campagne au sud où, dans l’appellation Ligue du Nord, le mot Nord a été mis entre parenthèses.

Plus question de réclamer l’indépendance des régions prospères du nord italien appelées à former une idéale « république de Padanie ». Plus question aussi de traiter Rome, la capitale située en lisière du sud géopolitique abhorré, Roma la Ladrona (la voleuse). Ni surtout de soutenir que le sud mythique n’est que terre de mafia et de paresseux. La campagne de Matteo Salvini, le nouveau chef de la Ligue, a été accueillie par des œufs pourris et des tomates en Sicile.

Mais le mouvement entend « gommer » les aspérités de langage qui faisaient jusqu’ici obstacle à l’adhésion des foules à son projet de société. Il s’agit d’une « dédiabolisation » engagée, à la manière d’un Front national de Marine Lepen. La femme politique française est d’ailleurs citée en exemple désormais en Italie. Matteo Salvini ne cache pas son admiration pour un discours anti-immigré, anti-européen et anti-euro qui ne cesse de valoir des points électoraux à chaque consultation au Front national en France.

Pas question non plus de laisser dire que la Ligue du Nord est un parti raciste. Le mouvement présente désormais tous les vernis de garantie sur la question. Et l’Italo-Congolaise Cécile Kyenge vient de l’apprendre à ses dépens. « La Ligue a porté plainte contre moi pour diffamation. (Matteo) Salvini m’a citée en justice parce que j’ai affirmé que la Ligue était raciste ». L’ancien ministre, aujourd’hui députée européenne à Strasbourg, n’entend pourtant pas céder.

« Je le réaffirme, la Ligue est un parti raciste. S’il ne l’est pas, alors moi je suis blanche. Vous me voyez blanche, vous ? J’ai posé la question à Salvini, il m’a répondu qu’il n’en savait rien. Alors je lui ai suggéré que nous passions un test pour savoir. Dans tous les cas, le tout se règlera au tribunal, parce que moi je n’ai jamais porté plainte contre qui que ce soit pour toutes les vilénies qui ont été déversées sur moi », a dit Mme Kyenge au cours d’une émission de radio très suivie.