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Cémac : comment consoler la Guinée équatoriale ?

Lundi 25 Novembre 2013 - 0:23

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Ne secouez pas le sixième enfant de la famille, il est plein de larmes. On pourrait de façon triviale emprunter cette expression à Henri Calet : « Ne me secouez pas, je suis plein de larmes », pour trouver quelque chose comme de l’angoisse dans la volte-face de Malabo vis-à-vis de la feuille de route de l’intégration régionale.

En retard, avec le Gabon, sur l’application de la clause du passeport biométrique instituant la libre circulation des personnes en zone Cémac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) au 1er janvier 2014, la Guinée équatoriale avait fini par se ranger à la décision des autres États membres de la communauté, le Gabon y compris, au mois de juin dernier. La satisfaction exprimée à la suite de l’élimination de ce verrou, parmi tant d’autres qui bloquent la machine Cémac, s’est révélée de courte durée puisque Malabo est revenue, le 8 novembre, sur sa signature. Ce pays soupçonne en quelque sorte le trop-plein de convoitises des concitoyens de l’espace Cémac sur les minuscules 28 000 kilomètres carrés qui constituent son territoire.

Tel un prétendant qui renonce à la main de sa fiancée par intime conviction, il faudra longtemps pour espérer changer le cours des choses à ce niveau. Le gouvernement équato-guinéen a, en effet, invoqué un remue-ménage ressenti au sein de sa population à l’annonce de l’entrée en vigueur du passeport communautaire pour tourner casaque. Devrait-on, peut-être, deviner dans le corps physique des six pays membres de la Cémac les raisons profondes du revirement de Malabo ? Sur cette trouvaille-là, il est vrai que la Guinée équatoriale est fort petite, ainsi que l’indique l’échelle de sa superficie déclinée plus haut.

Avec seulement 600 000 à 700 000 habitants, d’après les derniers chiffres en date, la Guinée équatoriale partage ses frontières terrestres avec le relatif « géant » camerounais, plus de 19 millions d’habitants pour 475 442 kilomètres carrés. Puis avec le Gabon, 1 534 300 habitants pour 267 667 kilomètres carrés. Plus loin, il y a la Centrafrique, plus de trois millions d’habitants répartis sur 622 984 kilomètres carrés ; le vaste Tchad, 10 975 684 habitants pour 1 284 000 kilomètres carrés ; et le Congo, plus de 4 millions d’habitants qui se partagent 342 000 kilomètres carrés.

En termes de potentialités naturelles, la région Cémac est assez bien servie par le Bon Dieu : bois, or, diamant, pétrole, etc. Dans son front de refus, la Guinée équatoriale ne regarde peut-être pas moins cette dimension en se disant qu’elle devrait en principe se suffire à elle-même. Une attitude que d’aucuns adoptèrent, rapporte l’histoire, au moment des indépendances africaines, en 1960, lorsque certains dirigeants de l’époque, dans la sous-région, caressaient le rêve d’un État fédéral.

Cette même histoire a montré qu’à la longue, le salut résidait dans la constitution de grands ensembles intégrés, au sein desquels, sans perdre leur souveraineté, les États mutualiseraient leurs efforts pour apporter des réponses concertées aux défis, de plus en plus nombreux, qui guettent les pays et les peuples en se communautarisant et en se mondialisant. Pour réussir une telle aventure, des actes concrets d’intégration conciliant stabilité, sécurité et prospérité doivent prendre corps, de sorte que les pays concernés agissent ensemble dans le cadre de règles admises par tous. Tel est le chemin, laborieux, certes, mais prometteur, sur lequel s’est engagée la Cémac depuis des années.

Si la peur d’être envahie hante la Guinée équatoriale au point de la raidir, la mission qui incombe aux instances de la Cémac est de convaincre ses dirigeants du bien-fondé que représenterait le vivre-ensemble pour les peuples de la sous-région. Pour ceux qui ont visité la Guinée équatoriale ces trois dernières années, ils ne douteront pas que ce pays en pleine métamorphose a des ambitions d’ouverture lorsqu’ils se trouveront notamment dans la ville de Sipopo. Inaugurée en juin 2011, elle a abrité le sommet de l’Union africaine cette année-là, mais cet ensemble est en réalité dédié à la diversification de l’économie du pays à travers le développement du tourisme.

Comment ne pas lier une telle projection sur l’avenir au projet d’intégration régionale qui, malgré les appréhensions, pourrait constituer un atout majeur en matière de sécurité et de stabilité ?

Gankama N’Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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