Cent jours de Félix Tshisekedi : un pas dans la bonne direction

Lundi 6 Mai 2019 - 19:15

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

En trois mois, le nouveau président de la République, investi le 24 janvier dernier, a donné des signaux incontestables du changement de gouvernance au sommet de l’Etat, pensent maints analystes.

La chronique politique de ces dernières heures reste dominée par les cent jours de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo à la tête du pays. Chacun y va de son commentaire pour jauger ses premiers pas, selon qu’il voit le verre à moitié vide ou à moitié plein. Et comme toujours, des rancœurs et antipathies mal dissimulées ont plus tendance à s’exprimer dans un tel exercice qui requiert, pourtant, une bonne dose d’objectivité pour une meilleure appréciation des faits.

En trois mois de gestion sous l’ère Fatshi, des signaux incontestables du changement de gouvernance au sommet de l’Etat sont bien perceptibles. Evoluant dans un contexte difficile où, en l'absence d’un gouvernement responsable et d’un Premier ministre, la présidence s’est muée, par la force des choses, en épicentre des intérêts sociaux et politiques, Félix Tshisekedi a su tirer son épingle du jeu en maîtrisant l’équilibre institutionnel.  

Les premières secousses enregistrées dès l’aube de son quinquennat avec, à la clé, une fronde sociale caractérisée par une série de grèves dans le secteur public, n’ont pas eu raison de sa détermination à rompre avec l’impunité et à rétablir la sanction. Du colonel de la police tenu responsable des dérapages de ses éléments lors d’une manifestation des étudiants de Lubumbashi au directeur général de l’Université pédagogique nationale, en passant par celui de Transco, de l’ARPTC, ou encore de la SCTP, tous auront payé de leur égarement et de leur megestion. La paix sociale à laquelle ont donné lieu les sanctions leur infligées est le fait de la volonté de Félix Tshisekedi à rétablir l’ordre lorsque les intérêts sociaux sont contrecarrés par la frénésie boulimique des dirigeants.   

Petit à petit, l'homme a commencé à imprimer sa marque en rompant progressivement avec les anciennes méthodes de gestion de son prédécesseur. L’interdiction des sorties des fonds au niveau des ministères, entreprises et services publics, sauf pour ceux liés aux charges sociales, ainsi que les mises en place du personnel, entre également dans le cadre du renouveau politico-économique qu’il veut imprimer dans le pays.

Humanisation des services de renseignement

Ceux qui avaient réduit sa promesse de libérer les prisonniers politiques et d’opinion à une simple vue de l’esprit, dictée par l’enjeu de campagne, ont vite déchanté. Les détenus « emblématiques » tels que Jean-Claude Muyambo, Firmin Yangambi, Franck Diongo et Diomi Ndongala ont recouvré la liberté, à côté d’autres prisonniers de droit commun, amnistiés ou remis en liberté conditionnelle. Félix Tshisekedi a également frappé fort en ordonnant la fermeture des cachots des services spéciaux, concrétisant ainsi son engagement de campagne de veiller à l’application « stricte et infaillible » de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Cherchant à faire la paix au nom de la cohésion nationale, il a permis à ce que l’ex- gouverneur du Katanga puisse se procurer un nouveau passeport, en plus de l’annulation du jugement prononcé à son encontre dans l’affaire de spoliation d’immeuble l’opposant au sujet grec Stoupis. Toujours sur ce registre des droits de l’homme, il est à mettre également à l'actif de Félix Tshisekedi  « l’ouverture progressive de l’espace public », notamment à l'opposition dont les ténors s’expriment de plus en plus sans peur des représailles.

Au plan sécuritaire, il s’est rendu à Lubumbashi, Goma et Kisangani pour palper du doigt les réalités du terrain et prendre la mesure du danger que représentent les groupes armés et les forces négatives tels que les ADF. Il est clair que le chantier, dans ce domaine, est vaste mais les raisons d’espérer sont bien tangibles. Les mouvements de reddition observés dans le chef de plusieurs groupes armés, actifs à l'est, sont de bons augures en attendant les profondes réformes annoncées au niveau des FARDC.

Une diplomatie agissante

Le secteur le mieux capé dans le programme d’urgence de cent jours de Félix Tshisekedi reste incontestablement la diplomatie. Là-dessus, il y a lieu de noter l’offensive diplomatique engagée tout au début de son quinquennat avec des déplacements vers les Etats voisins, tels que l’Angola, le Rwanda et le Congo Brazzaville. Il s’est agi de rassurer ses pairs et de réchauffer, par une coopération bilatérale agissante, des relations longtemps en berne. Avec le Rwanda, par exemple, il faut saluer l’accord signé le 20 mars par la compagnie nationale aérienne rwandaise pour ouvrir une ligne directe entre Kigali et Kinshasa. Le vol inaugural de Rwandair a eu lieu le 17 avril dernier. Aux Etats-Unis, l’un de ses voyages-clés, Félix Tshisekedi aura mis au-devant les intérêts de son pays en évoquant les possibilités de coopération et d’investissements. Il en a eu gain de cause au regard de l’intérêt manifesté par les milieux d’affaires américains.  

Sur le plan des infrastructures, le chantier le plus palpable, les Congolais vivent désormais la métamorphose de leurs milieux de vie par le truchement de nombreux travaux de construction et de réhabilitation d’infrastructures de base exécutés sur le territoire national (routes, ponts, écoles, hôpitaux, réseaux de desserte en eau potable et électricité etc). Le désenclavement de la province de la Tshopo grâce à la construction, en l’espace d’un mois, de nouveaux ponts sur les rivières Lubunga et Lubuya, est un signe qui ne trompe pas : Félix Tshisekedi est bien dans son rôle d’incitateur du développement.   

Même si les réalisations effectuées jusque-là pêchent par leur minceur par rapport à l’étendue du pays, il y a lieu cependant de saluer l’obstination de Félix Tshisekedi à renvoyer l’ascenseur à une population qui, à chaque moment, ne manque pas de lui rappeler le fondement de l'idéal testamentaire laissé par son défunt père : « le peuple d’abord ». Néanmoins, il peut se féliciter, à juste titre d’ailleurs, d’avoir pris un bon départ pour la mutation du grand Congo en Etat de droit, pacifique et prospère. Rome ne s’est pas construite en un jour, dit-on.  

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Félix Tshisekedi

Notification: 

Non