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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : Congo, le pays des calculs politiciens

Mardi 24 Juillet 2018 - 21:12

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Depuis le début du XXIe siècle, le dialogue est constamment psalmodié par l’opposition. Ce n’est ni plus ni moins que le prétexte pour un retour aux affaires, la voie des urnes étant barrée pour nombre de ses membres. Autre expression en vogue, gouvernement d’union nationale que rien ne justifie actuellement. Un président élu gouverne aujourd’hui avec une volonté de partage non démentie. La preuve, la présence des personnalités de l’opposition dans le gouvernement actuel.

Dans ce pays, on n’est pas à une contradiction près. Au nom du père, biologique ou symbolique, et rien d’autre, quelques politiciens doivent leur présence sur la scène politique. Personne ne s’en offusque. Ministres de père en fils, chefs de parti de père en fils, ces promotions sont fondées uniquement, dans la plupart des cas, sur le patronyme du père. Un héritage. Le Congolais vit normalement ces successions dynastiques et patrimoniales. Mais, dès qu’il s’agit du fils de l’actuel président, tout le monde pousse des cris d’orfraie, même ceux qui doivent leur position au gouvernement ou une certaine visibilité dans l’opposition au nom du père. Certains de ces héritiers, se voyant trop beaux, ont franchi le Rubicon lors de l’élection présidentielle de 2016, toujours au nom du père, oubliant qu’ils avaient paradoxalement ferraillé contre le changement de la Constitution de janvier 2002.  Quel paradoxe et quelle incohérence ! Avec des états de service lamentables, ils continuent de « prospérer » indûment.

Autres cieux, même réalité. De 1965 à 1981, François Mitterrand fut, dans l’opposition, le pourfendeur acharné de la Constitution de 1958 qui régit la France. Dès qu’il fut élu, il devint « le monarque républicain » que l’on a connu. Même chose au Congo. Certains, qui avaient ferraillé contre la Constitution du 25 octobre vivant avec le secret espoir d’un gouvernement d’union nationale, se voient déjà Premier ministre. À cette idée, ils se préparent. On assiste à un branle-bas feutré dans les différents partis politiques de l’opposition. Les impétrants sont prêts à accepter ce pont d’or du pouvoir actuel qu’ils n’ont de cesse de combattre. Dans les coulisses, des stratégies s’élaborent et les arrangements se préparent. Le monde politique congolais est véritablement schizophrène. Rien ne nous dit que la présence de quelques têtes issues de l’opposition ou de la société civile dans un éventuel gouvernement d’union nationale serait une garantie de performance. Au demeurant, un gouvernement d’union nationale n’est pas une panacée. Il n’est que l’occasion pour certains politiciens en mal de subsides de se caser.

Au Congo, depuis que la République est née, les hommes politiques sont prêts à toutes les contorsions pour être promus. Et, le pays ne vit que de ces promotions bidonnées. Les parcours de nombre de ceux qui font la politique aujourd’hui sont approximatifs, sans traçabilité. C’est ainsi que le Congo a eu des Premiers ministres et des ministres sans véritables références académiques et professionnelles. La politique, depuis un demi-siècle, au moins,  nourrit bien ceux qui la font. Le ventre. La grande question de la politique congolaise ! Au nom du ventre, chacun, muni d’un placebo (médicament sans principes actifs) se présente comme le sauveur du Congo. Quels apprentis-sorciers ! Il en résulte une myriade de partis destinés à mettre en lumière des vociférateurs en mal de situation de rente. C’est leur seul moyen d’exister. La démocratie pluraliste est une idée neuve au Congo, comme le marxisme hier, mal assimilée. « L’élite en présence ne s’intéresse pas en réalité à la promotion et à la défense de la démocratie, mais tout simplement à son accès au pouvoir », affirme Martin Mberi dans l’ouvrage précité. Il poursuit : « Séquence après séquence, nos velléités démocratiques se consumèrent au feu de l’inculture et de la violence ».

Comme la démocratie, le Congo est orphelin de ses politiciens. Rien dans leur discours n’indique que dans quelques semaines, la République aura 60 ans. Leurs préoccupations sont ailleurs. Comment procéder pour devenir un acteur politique majeur ou le redevenir ? C’est ce petit calcul politicien qui constitue le ressort de la vie politique dans notre pays. L’épisode Lissouba avait mis en lumière des transfuges du PCT qui rejoignirent l’Upads, nouveau parti au pouvoir, pour préserver leurs privilèges. Le PCT, revenu aux affaires, ils regagnèrent tous le bercail, peu préoccupés de l’image abjecte qu’ils renvoient d’eux-mêmes et de la politique. Nos politiciens, tous des prébendiers. « C’est notre tour de bouffer », disait l’un d’eux, décédé depuis.

Les soixante ans de la naissance de la République devait être l’occasion d’organiser un colloque sur le thème : Qu’avons-nous fait de la République ? Dans le contexte actuel,  en cul-de-sac, c’est ce type de réflexion qu’il faut engager, au lieu d’exiger un dialogue politicien complètement inopportun. Quoi qu’en pensent certains illuminés, la République fonctionne avec ses vices rédhibitoires congénitaux, parmi lesquels, l’obsession du pouvoir, l’achat de conscience, la corruption, le népotisme, la vénalité, pour tout dire. Il suffit de se souvenir de Yambot, à l’aube de la République,  qui fit basculer la majorité en faveur de l’abbé Fulbert Youlou. « L’appât du pouvoir avait prévalu sur le reste », écrit Martin Mberi, à ce sujet, dans son livre : « Congo Brazzaville, Regard sur 50 ans d’indépendance, 1960-2010 ». À la même époque, un autre personnage, en récompense des services rendus, fut un éphémère ministre d’Etat.

Comment revenir aux prédicats de base de la République : bonne gouvernance, promotion de l’excellence et meilleure répartition de la richesse nationale ? Cette question, sans arrière-pensées politiciennes, est la seule qui vaille à la veille des 60 ans de la République. Tout le reste n’est que babillage. Les véritables héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

Mfumu

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