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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : la République des savants et des simulacres

Jeudi 5 Juillet 2018 - 21:03

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C’est le titre d’un livre paru il y a quelques années. L’auteur, parti d’un constat de bon sens, concluait que le Congo était bourré de savants, en réalité, de faux savants. Je me souviens d’un débat sulfureux sur l’article 75 de la Constitution de mars 1992 qui stipulait : « Le président de la République nomme le Premier ministre issu de la majorité parlementaire à l'Assemblée nationale. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Il nomme les autres membres du gouvernement sur proposition du Premier ministre. Il met fin à leurs fonctions après avis de ce dernier ».

 Les contorsions, les explications embrouillées et les calembredaines des uns et des autres conduisirent les institutions et le pays dans l’impasse. Ce débat me conforta dans l’idée que le Congo était un pays de postures et d’impostures, les unes conduisant aux autres et vice-versa. Que sont devenus, aujourd’hui, ces cadres rouges qui se faisaient le malin plaisir d’exclure les autres de l’administration du pays, au nom d’une idéologie mal assimilée, perdue désormais dans les abysses de l’utopie, depuis la Conférence nationale et égarée dans les allées de la démocratie pluraliste, dont ils se font les hérauts acharnés et intrépides ?

Pire, ceux qui mirent le Congo sous une chape de plomb, naguère, ont quasiment oublié les torts commis au pays et à la démocratie naissante. Ils se voient tous très beaux, ayant oublié leurs méfaits d’hier. Le Congo est finalement le pays de la posture, de l’imposture et du simulacre ; ce qui m’inspira, il y a quelques années, un article intitulé : « Congo zoba ». Ce titre dit tout.

Lundi dernier, sur une chaîne de télévision locale, je suis tombé sur un débat ayant, entre autres thèmes, l’article 5 de la loi sur les partis politiques. Deux protagonistes s’échinaient, s’interrompant à tout bout de champ en vociférant, rendant inintelligibles leurs propos. En m’efforçant de comprendre a posteriori, une fois de plus, j’ai eu l’impression de me retrouver vingt-cinq ans en arrière avec les fameuses galéjades du débat sur l’article 75 de la Constitution de mars 1992. Débat éculé sur « le sexe des anges ». Quel anachronisme !

Pour revenir sur l’émission de lundi dernier, il faut rappeler que le fameux article 5 de la loi sur les partis stipule :

  • Tout parti ou groupement de partis politiques appartenant à l’opposition peut accepter de faire partie du gouvernement ;
  • La présence d’un opposant au gouvernement l’astreint à la solidarité gouvernementale.

C’est un texte d’une limpidité indiscutable. Ni dans son esprit ni dans sa lettre on ne parle de reniement de la qualité d’opposant de celui qui a fait le choix d’entrer au gouvernement. La solidarité gouvernementale est un principe voulant que chacun des ministres soit responsable devant le parlement des décisions prises collégialement par le gouvernement dont il fait partie, y compris celui de l’opposition. Rien dans cet article qui puisse justifier cet étalage d’inepties débitées lors de l’émission précitée, qui ressemble fort à un autodafé.

La limpidité du texte n’appelle aucun débat. Et pourtant certains « savants » trouvent le moyen d’en faire une exégèse, erronée de surcroît. Au demeurant le chef de l’opposition, dont on a longtemps parlé dans cette occurrence, a un rôle d’interface entre le pouvoir et l’opposition et non de dire qui est opposant ou qui ne l’est pas. Il a un rôle de passerelle. Chassez le naturel, il revient au galop !

Il semble difficile à nos politiciens de faire le saut dans la modernité. Abdoulaye Wade, dont la qualité d’opposant ne fait l’objet d’aucune discussion, fit partie du gouvernement d’Abdou Diouf, dans un souci évident de transcendance partisane. Plus près de nous, Bernard Kouchner fut ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, situé aux antipodes de ses convictions politiques. Les médias français et certains hommes politiques, en retard d’un combat, en firent à l’époque des gorges chaudes. À tort. Macron s’est engouffré dans cette brèche républicaine, faisant appel à un Premier ministre, issu de l’opposition et qui ne s’en cache pas. Comment peut-il en être autrement au Congo ?

On se rend compte aujourd’hui que la Constitution du 25 octobre 2015, mutatis mutandis, a fait entrer le Congo dans la modernité, en instituant un chef de l’opposition pour mettre fin à l’autisme politique, longtemps en vigueur dans notre pays. Mais prisonniers de leur anachronisme, certains politiciens peinent à comprendre ces nouvelles règles de gouvernance politique.

Les politiciens congolais, en général, peu au fait de l’histoire politique de leur pays, ignorent que Jacques Opangault, chef de l’opposition MSA, fit partie du gouvernement de l’abbé Youlou, exerçant, un temps, les fonctions de vice-président. Personne n’a parlé, à l’époque ni de collusion ni de trahison de ses idéaux d’opposant. La ligne de fracture politique entre les deux protagonistes était nette, claire et précise. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. On surfe sur des mots, vides de sens. Des sociaux-démocrates, qui se déclarent tels, s’étripent, incapables de donner naissance à un grand parti de cette obédience, par égoïsme, égotisme et égocentrisme. Je ne résiste pas à la tentation de citer Grégoire Lefouoba : « Les entrepreneurs politiques en scène ou leurs seconds couteaux ont vite fait d’en faire non un sujet de débat intellectuel, mais politique au lieu à tout le moins d’en produire un sujet pour un débat d’ordre idéologique ». « Entrepreneurs politiques », belle trouvaille qui définit avec une précision méticuleuse, la pratique politique au Congo : un moyen de vivre décemment. Il n’est pire qu’un crétin qui se prend pour un savant. Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’

Mfumu

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