Christian Kayath : « Les biotechnologies au Congo sont le point de départ pour l’autosuffisance alimentaire »

Samedi 8 Février 2014 - 10:15

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La production des aliments et la diminution de la pauvreté demeurent les objectifs principaux du chef de l’Etat, les efforts visant à favoriser le développement socioéconomique au Congo et le bien-être de tous les Congolais. Le défi consiste à développer des technologies d'amélioration agroalimentaire. Dans un communiqué de la FAO, la biotechnologie moderne est reconnue comme la technologie la plus efficace qui sauvera l’Afrique des effets des pénuries alimentaires

Nous avons rencontré un expert congolais en biotechnologie formé en Belgique, le docteur Aimé-Christian Kayath, titulaire d’un DES interuniversitaire en biotechnologie puis d’un PhD en microbiologie moléculaire. Il est récemment rentré au pays à la suite du discours du président de la République lors de son passage en France. Lequel discours s’adressait aux Congolais de la diaspora, leur demandant de rentrer au pays et d'y proposer leur expertise. Dynamique et travailleur en équipe, il est chargé de cours à l’université Marien-Ngouabi à la faculté des sciences et techniques et enseigne la biotechnologie à l’université Internationale de Brazzaville.

Les Dépêches de Brazzaville : En quelques mots, comment pourriez-vous définir la biotechnologie ?
Christian Kayath : La biotechnologie, ou « technologie de bioconversion », comme son nom l'indique, se définit comme « l’application des principes scientifiques et de l'ingéniérie à la transformation de matériaux par des agents biologiques pour produire des biens et services ». La bonne nouvelle est qu’au Congo, sans connaître ni comprendre les principes de la fermentation ou du génie génétique, le Congolais utilise depuis longtemps certains procédés biotechnologiques pour la fabrication des boissons locales (vin de palme, de pamplemousse et de canne à sucre), de la bouillie de maïs, du tomba moubori, du pain, pour la sélection lors de l’élevage des animaux et la culture des plantes, etc.

Les biotechnologies au Congo-Brazzaville, rêve ou réalité ?
Une réalité, mais encore à l’état embryonnaire. En Afrique en général, et au Congo en particulier, le niveau de la compréhension relative à la biotechnologie et à la biosécurité est actuellement faible, de sorte que des activités de vulgarisation s'imposent. C’est ainsi que mon soutien va à l’endroit du gouvernement, en particulier au ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique qui commence de plus en plus à promouvoir la recherche et le développement, et aussi au ministère du Commerce qui, grâce à l’appui du gouvernement congolais, pourrait installer à Pointe-Noire un laboratoire de contrôle qualité qui sera un outil puissant en matière de biosécurité, en collaboration avec l’Etat indien. D’ailleurs, le président de la République, lui-même, dans un de ses discours de fin d’année, stipulait que « tout devient possible au Congo ».

Peut-on nourrir et soigner les Congolais avec les biotechnologies ?
Bien sûr que oui. Grace à la biotech, nous pouvons fabriquer nos propres vaccins et nos propres médicaments. Vous savez, la FAO stipulait que les biotechnologies constituaient un atout majeur pour l’agriculture au Congo et aideraient à augmenter la production alimentaire, donc la diminution de la pauvreté.

Existe-t-il des entreprises de biotechnologie implantées au Congo ?
Quelques entreprises de biotechnologie sont basées à Brazzaville et Pointe-Noire, telles la société Brasco, Bayo, Rajec, etc. Aucune étude n’existe sur le répertoire de ces entreprises. C’est parmi l’un de mes projets, dont le but principal sera d’implanter un cabinet de consultance en biotechnologie spécialisé en conseil et audit. Il faut aussi savoir qu’il n’existe aucun portail de référence bibliographique des différentes études préalablement réalisées au Congo sur les technologies nouvelles. Cela reste des idées majeures à développer avec le ministère de la Recherche scientifique et de la Technologie Innovante, par exemple.

Quels mots pourriez-vous dire aux autorités politiques et scientifiques ?
Comme pour de nombreux défenseurs de la biotechnologie dans les secteurs agroalimentaire, industriel et médical en Afrique, rien ne saura se faire sans volonté politique. Il faudrait une interaction covalente basée sur une charte entre les scientifiques et le gouvernement, car l’un a besoin de l’autre. Par exemple, les ministères concernés (scientifique et éducation supérieure) ont besoin des universités (privées et publiques) et vice-versa. Il va falloir aussi dans un premier temps introduire des programmes de biotechnologie à partir du secondaire jusqu'à l’université grâce à la création de cycles de master en biotechnologie et biosécurité. Une réglementation appropriée pour guider les demandes des biotechnologies, et la recherche est nécessaire pour exploiter correctement les possibilités de développement dans ce domaine et révolutionner ce secteur au Congo. Et pour ce faire, les scientifiques congolais doivent constituer des équipes de recherche dynamique afin de susciter l’intérêt et le soutien du gouvernement. Je suis persuadé que le Congo peut mettre son expérience, ses connaissances autochtones et les méthodes traditionnelles, ainsi que les nombreux talents de sa population, au service de l’adoption et de l’adaptation des percées scientifiques dans le domaine des nouvelles technologies.

Christ Kayath est également musicien du gospel. Il a produit plusieurs œuvres musicales, parmi lesquelles Guéris-moi en 2005, Tourments d’amour en 2008, La Confiance en 2009, Trésor céleste en 2010 et À jamais en 2013.

Propos recueillis par Roll Mbemba