Opinion

  • Chronique

Chronique d’un théâtre raconté, de Segolo à Niangouna

Samedi 28 Février 2015 - 9:06

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Âgé de plus de soixante ans, le théâtre congolais, d’expression française, a connu de profondes transformations. Son épanouissement  dès la décennie 1960 a été favorisé par la création au Centre culturel de Bacongo de l’Association du théâtre congolais (Astheco) du comédien Segolo Dia Mahoungou, inspiré essentiellement par les modèles théâtraux de l’Occident. Mais au gré des années, l’on assistera à de nombreuses mutations.

Segolo Dia Mahoungou peut être considéré à juste titre comme le principal acteur qui impulsera le théâtre national, qui verra le jour en 1968, et le Centre de formation et de recherche en art dramatique (CFRAD) en 1970.

En effet, après l’indépendance du Congo, deux espaces culturels marquent incontestablement la vie culturelle brazzavilloise, les centres culturels de Bacongo et de Poto-poto qui se révèleront de véritables lieux d’expression artistique en accueillant alternativement orchestres, associations féminines et troupes de théâtrales. 

Il faut noter à cette époque un véritable engouement du public pour le théâtre dans les deux principales villes que sont Brazzaville et Pointe-Noire. Ici, on note alors une véritable effervescence culturelle grâce à Ferdinand Mouangassa, considéré comme  le premier dramaturge congolais. C’est lui qui lance la troupe Les Kamango.

Les fameuses pièces telles La Marmite de Koka Mbala, Les Patriotes, Nganga Mayala, etc. constituent les répertoires les plus prisés. Mais il faut reconnaître que ce théâtre, qui fait  honneur au pays, pèche par son côté importé. Jusqu’aux années 1975, il ne s’illustre que par des codes du théâtre made in colon ou la mise en scène est réduite essentiellement à trois présences, le prêtre, le maître d’école et le chef du village.

L’on doit considérer la fin des années 1970 comme une période expérimentale incarnée par une nouvelle génération d’hommes de théâtre. Parmi lesquels Sony Labou Tansi, Matondo Kubu Turé et Emmanuel Dongala. D’où la naissance du célèbre acronyme So-Ma-Do. On doit à ces derniers les troupes théâtrales Rocado Zulu, les Ngunga et l’Éclair qui signeront des pièces à succès. À elle seule, Brazzaville compte au début des années 1980 plus de seize troupes.

Des années quatre vingt à nos jours, l’activité théâtrale connaît une progression en dents de scie qui préfigure tantôt son  déclin, tantôt sa renaissance. Aujourd’hui, le théâtre congolais manque cruellement de mécènes et elle est bien loin la période où il pouvait se targuer du  soutien des compagnies pétrolières qui aidaient et finançaient la culture. L’arrivée du multipartisme, avec la conférence nationale et des guerres civiles, a accéléré le désengagement de  l’État et des sociétés pétrolières.

Cependant, on assiste à l’émergence d’une nouvelle génération de théâtres et de comédiens avec, en tête de file, Dieudonné Niangouna. Cette génération a choisi de résister dans l’adversité. Adversité caractérisée par d’innombrables difficultés dont le défaut d’espaces d’expression, la production et la diffusion des œuvres. L’on peut également citer sur la liste, les comédiens et dramaturge Julien Bissila, Fortuné Arsène Bateza, Guy-Stan Matingou, Sorel Boulingui, etc.

Hors des sentiers battus, parmi les figures de proue du théâtre africain en général, plus adulé en Occident, Dieudonné Niangouna a fait partie en 2005 des quatre auteurs de théâtre d’Afrique présentés en lecture à la Comédie française, au Vieux Colombier. Il a mis en scène « Le cœur des enfants léopards » de Wilfried N'Sondé, au Tarmac de La Villette du 1er au 19 mars 2011.  Premier Noir africain associé à la soixante-septième édition du festival d’Avignon, il s’est forgé aux arts plastiques à l’École nationale des Beaux-Arts de Brazzaville et, en  féru de littérature, il se consacrera au théâtre au début des années 1990. En 2007, le festival d’Avignon l’accueille avec son spectacle Attitude clando, puis en 2009 avec Les Inepties volantes. En 2013, il est coauteur associé du même festival avec l’auteur et comédien Stanislas Nordey. Il y a présenté Shèda, un texte sur la chute des puissants.

Ce bref aperçu sur le théâtre congolais, excentré, symbolisé par le passage de témoin de Ségolo à Niangouna, ne devrait-il pas plus nous interpeller ?

Ferréol Constant Patrick Gassackys

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Chronique : les derniers articles