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Samedi 28 Septembre 2013 - 11:15

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Acclamé aux États-Unis, Le Majordome retrace l’histoire vraie de Cecil Gaines, de son enfance dans les champs de coton en Louisiane dans les années 1920 à l’élection de Barack Obama en 2008. Un film « coup de poing » qui raconte l’histoire d’un homme, de son fils, mais surtout l’histoire du mouvement pour les droits civiques  des Afro-Américains aux États-Unis

Entre biopic et film historique, Le Majordome s’inspire de l'histoire vraie d’Eugene Allen qui a travaillé à la Maison-Blanche pour sept présidents, pendant 34 ans. Fils d’esclave, Cecil Gaines quitte rapidement sa condition, se fait embaucher en tant que majordome dans un hôtel luxueux, puis à la Maison-Blanche où il travaillera au service de sept présidents américains successifs. Consciencieux, l’homme accomplit son travail avec humilité et brio au service du gouvernement, dans une société qui oppresse les citoyens noirs, relégués au statut de citoyens de seconde zone, séparés des Blancs dans tous les espaces publics et victimes dans leur propre pays du racisme ordinaire dans tous les domaines de fa vie sociale. La petite histoire de cette famille américaine se confond avec la grande histoire du pays dans lequel elle habite. Tandis que les présidents défilent sous ses yeux à la Maison-Blanche, son fils aîné choisi la voie de l’engagement dans le mouvement pour les droits civiques aux côtés de Martin Luther King, fait de fa prison, flirte avec les Black Panthers… Le fils cadet, lui, s’engage dans l’armée pour défendre son pays et meurt au Vietnam.

Cette fresque historique passionnante d’un xxe siècle américain mouvementé est baignée de violences physiques et morales : agressions physiques contre les citoyens noirs perpétrées dans l’impunité la plus totale, humiliations quotidiennes, assassinats du président Kennedy et de Martin Luther King, mouvement radical des Black Panthers, guerre du Vietnam, Watergate... Il y a dans Le Majordome la confrontation de deux générations, de deux visions, mais aussi deux ressentis sur un sujet des plus douloureux de l'histoire noire américaine. Enfant, Cecil Gaines voit sa mère se faire violer par le maître. Il implore son père de réagir, ce dernier se fait abattre sous ses yeux. Trente ans plus tard, il fonde une famille, son fils emprunte le chemin de fa lutte contre l'injustice et opte pour la rébellion, symbole traumatisant pour Cecil Gaines. Inévitablement, les deux hommes se sépareront. Les personnages du film reprennent tous les archétypes de Noirs américains : l’oncle Tom, soumis aux Blancs, mais finalement subversif, car, par son travail acharné, son sérieux, son honnêteté, sa dignité, il bouleverse les codes et les préjugés racistes sur les Noirs ; le Noir déviant, qui utilise la violence pour répondre à l’oppression exercée par la société blanche ; le « mandingo negro » ou cet Africain hypersexualisé qui multiplie les conquêtes, etc.

Malgré un certain conventionnalisme propre au cinéma américain, le film est admirablement joué. On retrouve dans le rôle principal l’acteur américain Forest Whitaker, qui reçut un oscar du meilleur acteur en 2007 pour le film Le Dernier Roi d’Écosse, dans lequel il jouait un rôle aux antipodes de celui du majordome, celui du dictateur ougandais Idi Amin Dada. Il tient avec justesse le rôle de ce majordome noir qui toute sa vie fut au service des autres. Le film s’achève sur cette belle réflexion : les États-Unis, pays qui assume le rôle de gendarme du monde, se pose sans cesse en donneur de leçon sur les horreurs commises dans les différents pays du monde, mais n’ose pas regarder en face sa propre histoire de violence et d’oppression.

Un film de Lee Daniels, avec Forest Whitaker, Oprah Winfrey, Cuba Gooding Jr, Terrence Howard, Lenny Kravitz.

Rose-Marie Bouboutou et Morgane de Capèle