Claudia Haidara Yoka : « Le travail que nous faisons ici commence à voir une visibilité sur le continent et c’est une très bonne chose »

Samedi 9 Mai 2015 - 10:15

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Récipiendaire des Dicalo Awards ( festival panafricain de Cannes) en janvier dernier, de la Sanza de la Foa en février, puis du Trophée de femme leader actuelle dans le domaine de l’éducation et la promotion culturelle à la sixième édition du Trophée international des Femmes actives d’Afrique (TIFAA) à Niamey au Niger au mois de mars, Claudia Haidara Yoka est l’une des réalisatrices congolaises qui se bat bec et ongles pour la relance du cinéma congolais

Elle a créé en 2002 le Clap (Association congolaise de liaison entre les artistes et la production) et a, à son actif, plusieurs films dont : Bozoba, Manigance (sélectionné au Fespaco 2007), Mères chefs (2009)…Initiatrice des Rencontres cinématographiques en 2003 avec la collaboration de Bassek Ba Kobbio, promoteur du festival Écrans Noirs, du Cameroun, Idrissa Ouédraogo et Rasmané Ouédraogo du Burkina Faso, Claudia organise depuis 2014 à Brazzaville le festival du film des femmes africaines nommé « Tazama » dont la deuxième édition a eu lieu en janvier dernier

Les Dépêches de Brazaville : Prix sur l’éducation et la promotion culturelle. Que représente ce trophée pour toi ? 

Claudia Haidara Yoka : C’est une grande fierté à partir du moment où j’ai reçu ce trophée hors de nos frontières. Cela signifie que le travail que nous faisons ici commence à voir une visibilité sur le continent et c’est une très bonne chose.

L.D.B : Quel a été le critère de sélection ?

C.H.Y : Selon les organisateurs, il semblerait que les critères de sélection soient  la diversité, la recherche et éventuellement l’innovation dans ce que l’on fait. Et il a semblé aux animateurs que je suis très active dans pas mal de domaines et que j’arrive à développer des projets qui ne toucheraient pas seulement le Congo, mais intéresseraient aussi les autres pays africains car, comme la culture, l’éducation peut aussi s’exporter d’un pays à un autre.

L.D.B : Et quelle est l’innovation en ce qui concerne votre établissement The American Daycare ?

C.H.Y : L’école américaine que je dirige a démarré il y a quatre ans avec un concept qui, à l’époque, était novateur puisque nous nous sommes inspirés du système américain : un cursus complet de la maternelle jusqu'à l’équivalent de la terminale américaine. Chose qui ne s’était jamais fait auparavant ici et, surtout, nous avons pris pour modèle une école très connue qui est l’université d’Howard. Ce qui fait qu’en 2011, j’ai été formée par l’université d’Howard pour pouvoir diriger The American Daycare. De même pour que les résultats soient convaincants, les enseignants aussi ont aussi suivi un enseignement pour leur permettre de bien s’adapter à ce système. Notre souhait serait aussi de former ou d’accompagner d’autres professeurs qui ne sont pas de notre école. Mais pour arriver à cette étape, il nous faudra l’aide des pouvoirs publics.

L.D.B : Qui fréquente The American Daycare ?

C.H.Y: Sans exagérer, je pense qu’on est 85 % d’expatriés contre 15% de Congolais dans les petites classes nommées  « After School » qui est le programme d’apprentissage de langue anglaise. The American Daycare répond avant tout aux besoins des expatriés anglophones mais, au fil du temps, on s’est rendu compte que l’anglais étant parmi les langues les plus parlées à travers le monde, il y a de plus en plus de parents français, belges ou italiens qui viennent inscrire leurs enfants et on a en moyenne 15 à 17 nationalités différentes.

L.D.B : Pouvez-vous nous faire un petit bilan de ces quatre années de vie de votre établissement ?

C.H.Y : Je dirai que c’est positif. Dans l’enseignement américain, on a un système de notation nommé GPA (grade point average) et donc lorsque vous obtenez un GPA de 3 à 3,5 sur 4, vous pouvez être admis dans à peu près n’importe quelle université américaine. Et depuis qu’on a lancé notre école, nos élèves ont presque tous un GPA supérieur à 3,5. Ce qui veut dire qu’ils sont entre guillemet solvables pour intégrer n’importe quelle université américaine. Je ne suis donc pas inquiète quant à leur avenir estudiantin. Maintenant, il faut être honnête sur quelque chose : nous ne disposons pas des mêmes moyens financiers que les autres écoles américaines à travers le monde. Mais nous ne baissons pas les bras pour qu’American Daycare soit une référence dans le milieu de l’éducation tant au niveau national qu’international.

L.D.B : Une belle image pour l’enseignement au Congo quand les sondages disent que le système éducatif au Congo est en plein régression ?

C.H.Y : Absolument. Nous proposons un programme riche et innovant sur la place mais faute de mesures d’accompagnement, on n’a pas encore pu mettre en place une activité qui nous tient à cœur : les foires scientifiques comme le font les écoles américaines. Mais nous disposons d’un club de presse et des enfants qui ont entre 8 et 9 ans font de l’initiation à l’astronomie, chose que je n’ai pas encore vue dans nos écoles locales.  Notre école est à l’image du Forest Accademy  qui est notre partenaire académique en Floride aux Étas Unis. Malencontreusement nous sommes la seule école à ne pas être productive à 100%, faute de moyens. Mais ce n'est pas cela qui va nous empêcher d’avancer. Nous envisageons, dans les jours à venir, à exporter ce concept dans d’autres pays avec lesquels nous sommes déjà en pourparlers.

L.D.B : Combien revient en moyenne la scolarisation d’un élève dans votre école ?

C.H.Y : Du CP jusqu'à l’équivalent du bac américain les élèves payent par année 2 millions 500 FCFA. En fait, notre école n’excède pas 3 millions l’année. Ceci, par rapport à ce qu’on offre et propose en sachant que tout est corrigé depuis les États- Unis : diplômes, bulletins. Je pense que ces frais suffisent largement. Il est aussi vrai qu’en Afrique l’éducation devrait être accessible à toutes les bourses, c’est pour cela que nous réfléchissons pour voir comment aider des élèves qui ont un véritable potentiel mais qui n’ont pas les moyens d’intégrer notre école en leur octroyant une bourse d’étude.

L.D.B : Quel est le défi de votre école cette année ?

C.H.Y : Le défi aujourd’hui est de développer le même concept sur le continent. Pour l’heure, j’ai des visées sur certains pays anglophones où la demande reste forte pour ce genre d’instruction.

 

 

Propos recueillis par Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

Claudia Haidara Yoka