Climat : atteindre les objectifs en transformant les systèmes alimentaires

Vendredi 4 Septembre 2020 - 12:51

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Comment améliorer les chances d’atteindre les objectifs climats et limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C en prenant des engagements plus spécifiques pour transformer les systèmes alimentaires nationaux ?

Cette problématique a fait l’objet d’un nouveau rapport publié en ce début du mois de septembre par plusieurs organismes dont le WWF, le Programme des Nations unies pour l’environnement et Climate focus. Ces entités constatent que de nombreux pays passent à côté d’importantes opportunités de réduire les émissions de gaz à effet de serre et identifient 16 mesures « de la ferme à l’assiette » que les décideurs politiques pourraient mettre en œuvre. Actuellement, les régimes alimentaires plus sains, les pertes et le gaspillage alimentaires sont largement ignorés, mais en les intégrant dans les plans climatiques nationaux, les décideurs politiques peuvent améliorer de 25 % la contribution des systèmes alimentaires à l’atténuation et à l’adaptation climatique.

Dans le cadre de l’accord de Paris de 2015, les pays sont censés réviser ou soumettre à nouveau leurs contributions nationales tous les cinq ans. Cette année, les décideurs politiques ont donc la possibilité d’adopter des solutions liées aux systèmes alimentaires et de se fixer des objectifs et prendre des mesures plus ambitieuses afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et, par conséquent, améliorer la biodiversité, la sécurité alimentaire et la santé publique.

Les systèmes alimentaires qui regroupent tous les éléments et activités liés à la production, la transformation, la distribution, la préparation et la consommation des aliments représentent jusqu’à 37% de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre ; si l’on poursuit ce statu quo, on épuisera à lui seul les budgets d’émissions compatibles de 1,5°C pour tous les secteurs. D’autres actions, telles que la réduction des pertes et gaspillage alimentaires, ou le passage à des régimes alimentaires plus durables, sont largement oubliées, alors qu’elles sont une opportunité unique de réduire les émissions.

Promouvoir des systèmes alimentaires qui respectent le climat

« Des engagements ambitieux, définis dans le temps et mesurables en matière de transformation des systèmes alimentaires sont nécessaires si nous voulons atteindre un avenir à 1,5°C. Ne pas le faire, c'est ignorer l’un des principaux moteurs de la crise climatique actuelle. Sans action sur la façon dont nous produisons et consommons la nourriture, nous ne pouvons pas atteindre nos objectifs en matière de climat ou de biodiversité, qui sont le fondement de la sécurité alimentaire, de la prévention de l’apparition de maladies et, en fin de compte, de la réalisation des objectifs de développement durable. C’est pourquoi nous demandons instamment aux gouvernements d’inclure des actions liées aux systèmes alimentaires respectueuses du climat et de la nature dans les CDN qui seront soumis cette année », a déclaré Marco Lambertini, directeur général du WWF-International.

« La pandémie a mis en évidence la fragilité de nos systèmes d'approvisionnement alimentaire, des chaînes de valeur complexes aux impacts sur nos écosystèmes. Mais elle a également démontré que les entreprises et les individus sont prêts suite à cette crise de reconstruire différemment. Cette crise nous offre une chance de repenser radicalement notre façon de produire et de consommer les aliments. Par exemple, réorienter la consommation en réduisant de moitié le gaspillage alimentaire et en catalysant un changement vers des régimes alimentaires plus riches en plantes, est également un puissant outil d'atténuation du climat dont il faut tirer parti. C'est à nous de saisir cette opportunité et de mettre les systèmes alimentaires durables au cœur de la reprise verte », a pour sa part déclaré Inger Andersen, directrice exécutive du PNUE.

Lutter contre le gaspillage alimentaire

Les 16 actions identifiées dans le rapport comprennent la réduction du changement d’affectation des terres et la conversion des habitats naturels, ce qui pourrait réduire les émissions de 4,6 Gt CO2 par an. De même, la réduction des pertes et des déchets alimentaires, qui représentent 8 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, pourrait réduire les émissions de 4,5 Gt CO2 par an. Pourtant, seuls 11 pays mentionnent actuellement la perte alimentaire dans leurs plans et aucun ne tient compte du gaspillage alimentaire. L’amélioration des méthodes de production et la réduction des émissions de méthane liées au bétail pourraient réduire les émissions de 1,44 Gt CO2 par an, mais des réductions bien plus importantes pourraient être réalisées en adoptant des régimes alimentaires plus sains et plus durables, avec une proportion plus élevée d'aliments d’origine végétale que d’aliments d’origine animale, ce qui permettrait d’éviter des émissions de 8 Gt CO2 chaque année. Aucun plan national actuel sur le climat ne traite explicitement de régimes alimentaires plus durables.

Le rapport constate que les pays développés sont moins enclins que les pays en développement à prévoir des mesures d’atténuation sectorielles pour l’agriculture dans leurs plans climatiques actuels, bien que dans l’absolu, le nombre de mesures spécifiques visant à réduire les émissions dans le système alimentaire des pays en développement sont faibles. Depuis août 2020, 15 mises à jour et révisions des NDC ont été soumises et bien que certaines concernent l’agriculture, les actions font toujours défaut. Les premiers indicateurs montrent que la consommation alimentaire durable et les pertes et gaspillage alimentaire continueront d’être ignorés dans le processus de révision. Aucune des mises à jour et révisions soumises ne les mentionne dans leurs contributions ou politiques et mesures d’atténuation.

En plus d’une ambition croissante dans leurs CDN, les pays ont un certain nombre d’opportunités supplémentaires pour réduire les émissions et préserver la nature par le biais des systèmes alimentaires. En 2021, dans le cadre de la Conférence des parties à la Convention des Nations unies sur la biodiversité (COP 15), les dirigeants mondiaux peuvent convenir d’un « New Deal » pour la nature et les hommes, afin de stopper et d’inverser la perte de la biodiversité. De plus, le tout premier sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires aura lieu en 2021 ; comme l’a évoqué le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, lors du lancement du sommet, « la transformation des systèmes alimentaires est essentielle pour atteindre tous les objectifs de développement durable ».

Boris Kharl Ebaka

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