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Comparaison n’est pas raison

Jeudi 18 Décembre 2014 - 13:15

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Comparaison n’est pas raison. C’est la nouvelle antienne. Depuis quelques temps, elle revient, souvent hors de propos et en boucle dans les débats. Comparaison n’est pas raison, assenée tel un couperet, surtout lorsqu’elle n’est pas gratifiante, est le signe d’un essoufflement de l’argumentation. C’est l’estocade rhétorique péremptoire de ceux qui n’ont pas d’argument. Que nous dit le dictionnaire ? « Une figure de rhétorique n’est pas un argument valable ». Simpliste, car la mise en parallèle destinée à déterminer les ressemblances et les dissemblances (entre plusieurs personnes ou choses) est le meilleur moyen de les mettre (ressemblances ou dissemblances) en évidence, pour conforter une opinion ou un sentiment.

Je rentre de Bangui, une ville meurtrie par « la bêtise humaine », autre expression monstrueuse, pour qualifier l’innommable et l’indicible. Là aussi, c’est un excellent raccourci pour ne pas répondre de ses propres égarements ou nos égarements collectifs qui contrarient l’idéalisme moral appelant les Congolais à la raison pour mettre fin à « la guerre sans fin que le Congo se livre à lui-même ». Pour parodier Jean-Jaurès, les Congolais  doivent « sarcler le chemin de l’amitié ». Et, notre chance c’est que de nombreuses passerelles existent pour ramener les ennemis conjoncturels à la discussion, à l’échange qui est l’antidote à « la fameuse bêtise humaine » qui est, justement, cette incapacité à parler avec son « ennemi ». Elle tire son existence de l’inimitié qui fonde ces sautes d’humeur vite transformées en rancœurs.

 De la visite de la capitale centrafricaine, me sont revenues les images d’apocalypse de la guerre du 5 juin 1997. Avec d’autres, nous avons eu le privilège d’entrer au km 5, véritable no man’s land, un camp retranché où des tireurs embusqués peuvent à tout moment vous ôter la vie. Bangui offre l’image de Brazzaville coupée, alors, en deux. La désolation est partout visible. Hugues Ngouélondélé, le parrain de la rencontre des maires de la Centrafrique, empruntant le mot de Charles de Gaulle déclarait, quand on veut la paix ce n’est pas à son ami qu’il faut parler mais plutôt à son ennemi, pour exhorter les Centrafricains à se parler pour ne pas se résigner à un destin fuligineux. La parole est le grand remède au desséchement des cœurs et à l’intolérance. La tolérance, voilà le mot. Accepter l’autre dans sa différence et tourner le dos résolument à d’intransigeantes convictions sectaires.

Si le Congo s’abreuve à la source du dialogue, il en sortira grandi. Son absence est justement à la base de nos difficultés de « vivre ensemble », en raison de rancœurs cristallisées. N’allons pas inutilement au casse-pipe, il est encore possible de se parler. Il faut, en politique, savoir lâcher du lest. L’extrémisme, l’arrogance et l’égo boursoufflé sont toujours ravageurs. Dialoguer, c’est la force d’avenir.

Ce que j’ai vu en Centrafrique m’oblige à penser la paix jusqu’à l’indicible. Le seul moyen pour stopper l’engrenage « de la bêtise humaine » et des logiques partisanes qui se mettent inexorablement en marche, c’est de se parler. Faire autrement, c’est précipiter notre faillite collective. Si nous voulons éviter la  « bêtise humaine », dominons nos énervements pour cultiver le vivre ensemble paisible, en dépit de nos idiosyncrasies. Pour cela, il faut une raison ferme, claire et calme. Comme le disait Jean-Jaurès, si le « péril est grand, il n’est pas invincible », à condition de garder « la clarté de l’esprit, la fermeté du vouloir », pour ne plus parler de « bêtise humaine ».

Face au désespoir du peuple centrafricain, à la recherche d’une paix désormais introuvable, je n’ai résisté à la tentation de la comparaison. J’ai pensé à mon pays qui a connu les affres de la guerre et s’en est sorti, heureusement. Quand je regarde le Congo,  il m’arrive de m’interroger ; mais lorsque je le compare aux autres pays du continent, je me rassure. C’est pourquoi, dussions-nous en souffrir parfois, comparaison est souvent raison.

 

 

Mfumu

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