Comptes de l’Etat logés dans les banques commerciales : une commission sénatoriale d’enquête à pied d’œuvre

Jeudi 8 Mai 2014 - 17:15

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Il s'agira pour les membres de cette commission d'aller chercher des compléments qui manquent et faire des recommandations censées aider l’État à mieux gérer ces comptes.

L’affaire continue de susciter des vagues dans les milieux intéressés. Le Ministère des Finances ne passerait pas pour un modèle de gestion. La question orale avec débat posée à son titulaire au sujet de l’ouverture des comptes dans des banques commerciales au mépris de la loi sur les finances publiques, qui impose la sauvegarde des ressources de l’État uniquement à la Banque centrale, aura permis de se faire une idée sur la manière peu orthodoxe dont sont gérés les fonds publics. Le ministre Patrice Kitebi n’a pas été convainquant dans ses explications, ont estimé les sénateurs qui ont vite fait de diligenter une commission d’enquête pour tenter d’en savoir un peu plus. « Vous avez dit la vérité, mais vous n’avez pas dit toute la vérité », a rétorqué le sénateur Polycarpe Mongulu lors de la plénière du 7 mai affirmant détenir des preuves de mauvaise gestion des fonds publics.

S’il faut accorder foi aux allégations du ministre qui soutient que l’éclatement des fonds de l’État en plusieurs comptes et sous-comptes répondrait aux exigences d’efficacité visant à assurer une gestion « prudentielle » et opérationnelle des investissements inscrits dans le plan d’action prioritaire du gouvernement, cet argumentaire laisse néanmoins quelques zones d’ombre. Est-ce que les fonds logés dans ces banques commerciales servent réellement à l’objet pour lesquels ils sont censés être affectés ? Qui est habilité à les actionner et suivant quelle procédure ? Cette question devrait, pense-t-on, être creusée par les enquêteurs surtout lorsqu’on sait que tout récemment,  des mouvements suspects avaient été découverts notamment chez Access Bank, une banque nigériane qui a une filiale en RDC, telles que l’attestent des reçus de caisse acquittés.

Patrice Kitebi a tenté de dédouaner son ministère en indiquant que c’est un ancien trésorier de Access bank qui a été au centre de ce retrait des fonds. Une situation qui a amené la banque nigériane à révoquer ses cadres et agents qui avaient la charge des comptes de l’Etat congolais pour les traduire en justice. Au ministère des finances, aucune indication sur l’identité des personnes ayant perçu les intérêts générés par ces comptes de l’Etat n’est disponible. Ce qui amène certains esprits à s’interroger sur la capacité du ministère des Finances à régenter tous ces comptes de l'État éparpillés dans diverses banques commerciales lorsqu’on sait que des contrôles de routine ne s’effectuent guère laissant ainsi libre cours à toute forme de déviations.

En outre, pense-t-on, il y a anguille sous roche dans l’accord secret conclu entre le Bureau central de coordination (BCECO) et Access bank astreignant cette dernière à verser les intérêts libérés en numéraires produits par les fonds de l’État congolais dans des comptes bancaires spéciaux ouverts à cette fin. Là-dessus, le fait que Matata Ponyo a géré le BCECO, un programme du gouvernement placé sous la tutelle ministère des Finances, lui-même dépendant directement de l’actuel Premier ministre, rajoute à la méfiance sur un probable tripatouillage des fonds publics. S’il est vrai que certaines actions prioritaires du gouvernement ont été effectivement concrétisées grâce aux financementx provenant desdits comptes, les esprits avertis pensent qu’il y a des zones d’ombre qu’il faudrait absolument creuser. Il faudra chercher des compléments qui manquent pour maîtriser tous les contours du dossier. D'où la commission d’enquête diligentée par le Sénat devra-t-elle s'atteller à faire des recommandations idoines censées aider l’État à mieux gérer ses comptes. Dossier à suivre.

 

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Le ministre délégué aux Finances, Patrice Kitebi