Conclusions d’un rapport de Global Witness : le secteur minier gangrené par la haute maffia

Samedi 22 Juillet 2017 - 16:09

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Entre 30 et 40% des versements miniers qui devraient en théorie revenir à l'État ne parviennent pas à destination, révèle le dernier rapport de l’ONG américaine.

C’est une véritable bombe que vient de larguer l’ONG américaine Global Witness à travers son dernier rapport « Distributeur Automatique de Billets du Régime » qui étale sur la place publique toute la maffia organisée autour du secteur minier avec, à la clé, le détournement fréquent des millions de dollars qui échappent au Trésor public. À l’heure actuelle où l‘économie nationale bat de l’aile sur fond d’une paupérisation généralisée traduit notamment par l’effritement des ressources internes tendant à faire basculer le pays dans une situation de cessation de paiement, Global Witness indique qu’entre 30 et 40% des versements miniers qui devraient en théorie revenir à l'État ne parviennent pas à destination.

Dans ses investigations, l’ONG américaine s’est basée sur les derniers rapports de l'Initiative pour la transparence des industries extractives (Itie) qui demeure une source fiable dans la traçabilité de gestion des fonds générés par le secteur. Il appert qu'entre 2013 et 2015, plus de 750 millions de dollars de revenus déclarés versés par des entreprises minières à des organismes publics congolais ont disparu avant d'être acheminés au Trésor public et n'ont donc pas profité aux populations.

Poussant ses investigations plus loin, Global Witness a fini par découvrir que la Gecamines serait la plaque tournante de cette maffia organisée car c’est par elle que transitent les ressources générées par les entreprises minières privées. D’après la même source,  plus de 570 millions de dollars lui auraient été versés en trois ans sans qu’ils n’aient atterri sur les comptes du Trésor. Une situation qui étale toute grande le rôle d’entremetteur que jouerait la Gécamines dans cette nébuleuse affaire. La découverte des virements parfois effectués en liquide et présentés comme des « versements d'impôts anticipés » enfoncent davantage cette entreprise publique. Des millions de dollars partent fréquemment de la Gecamines vers des comptes de banques privées. Global Witness fait état des montants exorbitants dépassant largement le montant que paie réellement cette société d’État en impôt chaque année notamment à la BGFI où près de 95 millions de dollars auraient été virés. Le plus navrant dans cette histoire réside en ce que nonobstant toutes ces transactions, la Gécamines continue toujours d’afficher l’air d’un canard boiteux.  Son personnel se voit toujours privé de salaire et l’entreprise a toujours des difficultés à se relever, préférant rembourser des prêts considérables obtenus de ses partenaires.

Exigence de transparence

L’ONG américaine pointe un doigt accusateur sur la personne du directeur général de la Gecamines qui serait, d’après elle, au centre de cette maffia pour avoir supervisé des « versements d'argent douteux » et mis en place de complexes circuits financiers offshore. En clair, Albert Yuma cité par Global Witness est accusé d’organiser la fuite des recettes de l'entreprise plutôt que d'investir dans des investissements productifs. L’ONG n’épargne pas non plus les organismes fiscaux congolais accusés de profiter du système pour infliger des amendes aux entreprises minières privées sous des prétextes fallacieux. Bien qu’autorisés par la loi à se livrer à un tel exercice, ces organismes fiscaux vont au-delà du seuil requis en terme de pourcentage leur alloué dans ces genres de transactions pour se livrer à ce que l'ONG appelle de la « corruption légalisée ».

Alors que le prix du cuivre est en passe de remonter fortement et que celui du cobalt est en plein essor, les experts pensent que la RDC, qui dispose là en théorie d'un levier précieux pour sortir le pays de la crise économique, risque de ne pas saisir cette opportunité du fait de l’opacité qui gangrène le secteur minier. Selon la Constitution congolaise, chaque citoyen a le droit de profiter des bienfaits des richesses nationales du pays et l’État a le devoir de les redistribuer équitablement et de garantir le droit au développement. Mais hélas ! Tout ceci n’est qu’un vœu pieux dans un contexte d’acceptation tacite, ou mieux d’institutionnalisation de la corruption, s’alarment des analystes. « La seule manière de mettre fin au détournement de ces fonds essentiels est de réorganiser le système fiscal fragmenté et d’exiger une totale transparence de la part de la Gécamines. Nous devons savoir combien gagne l’entreprise, combien elle paye au fisc et quel est l’objet de ses dépenses », recommande Pete Jones, responsable de campagne de Global Witness.   

Alain Diasso

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