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Confessions d'un radicalisé

Samedi 27 Août 2016 - 13:15

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Et si Ahmad Al Faqi Al Mahdi devenait un jour, pour le compte des Nations unies, un ambassadeur de bonne volonté en charge de la préservation et la conservation du patrimoine mondial de l'humanité? Jugé à la Cour pénale internationale (CPI) pour la destruction des sites vénérés de Tombouctou, au Mali, ce djihadiste présumé, qui s'est présenté en costume cravate lors de son procès à la Haye, le 22 août, n'a pas rendu la vie difficile à ses juges en plaidant coupable.

Fils du pays, il a reconnu avoir causé du tort à celui-ci, à ses compatriotes, à sa famille et à la communauté des nations. Est-ce pour autant dire qu'il sera absous de ses "péchés" presque primaires destinés à effacer des pages entières de l'histoire d'un peuple?  Non, sans doute. L'homme écopera assurément d'une lourde sanction de privation de liberté. On ne saurait présumer de l'effet que la prison aura sur ce garçon d'à peine trente ans lorsqu'il en sortira.

Peut-être les juges de la CPI sont-ils, dans le cadre de cette affaire, placés devant un fait accompli dont ils tiendront compte au moment du rendu de leur jugement. Un accusé plaidant coupable des faits qui lui sont reprochés, non pas dans le but de tourner la Cour en dérision ou de la vexer, mais pour exprimer de réels remords et implorer le pardon, cela met toujours du baume aux coeurs des magistrats et peut avoir la faculté de les attendrir. 

Il y a aussi le fait que ce procès inédit dans l'histoire de la CPI dirigé non pas contre la destruction des vies humaines comme de coutume, mais contre celle des biens mémoriels a la chance d'aboutir. Il aurait pu s'enliser, être vidé de sa pertinence si le prévenu et ses avocats avaient eu une autre attitude que celle de la conciliation qu'ils ont adoptée. Pourrait-il peut-être dissuader d'autres radicaux qui, très souvent, faute d'accéder au pouvoir d'Etat pour lequel ils se battent, s'en prennent à ce qui ne les avance en rien dans leur volonté farouche de changer le cours des choses.

Le jour où il sortira de prison, un peu vieux sans doute, Ahmad Al Faqi Al Mahdi gardera-t-il la même lucidité du repenti qu'il a été pendant son jugement? Si tel sera le cas, alors il pourrait jouer un rôle dans la sensibilisation contre la destruction du patrimoine culturel de l'humanité. L'instance auprès de laquelle un tel engagement aura beaucoup d'échos sera sans doute l'Unesco. De la part d'un repenti, le bénéfice moral en sera encore plus grand.

"À la fin de l'histoire tout homme sera poète", disait l'autre. Celle du radicalisé de Tombouctou passé par la case du repentir appelée CPI ne fait bien évidemment que commencer.

 

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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