Couleurs de chez nous : Couleur d’assiette

Mercredi 15 Novembre 2017 - 10:48

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Moment de joie pour l’ensemble de la famille, le repas a souvent été source d’engueulades, de conflits et de rixes. Entre enfants. Surtout quand ils sont encore tout petits. En d’autres termes, le repas représente un véritable casse-tête pour chaque mère. Ailleurs comme au Congo. Comment ?

Si ce n’est pas tel enfant qui pense que maman a trop servi tel autre enfant, c’est celui-là qui boude la forme de son assiette qui ne lui a pas permis de recevoir assez de soupe contrairement à l’autre. À l’heure du déjeuner, le moindre détail de forme, de qualité ou de contenu nourrit la colère, la déception ou la haine chez les enfants.

Pour trancher ces interminables différends et préserver l’harmonie familiale, les mères congolaises, car c’est d’elles qu’il s’agit, ont réfléchi et trouvé mieux d’acheter des assiettes dont la seule différence est la couleur. Ainsi, chaque enfant se reconnaît dans la forme, la couleur et, partant, le contenu de son assiette. L’astuce aux allures de mesure interne est  acceptée par tous et son effet se lit sur la quiétude aux heures de repas.

Mais, pour y arriver, la maman doit adopter une approche participative : solliciter l’avis de chaque enfant sur sa couleur préférée. Car, sans ce consentement libre et préalable, la démarche risque d’accoucher d’une souris ou  de déclencher la foudre. Dans le meilleur des cas, la paix régnante est simplement perturbée par quelques piques qui ajoutent à la bonne ambiance.

Il en va ainsi de la couleur des assiettes comme de celle des tasses et de bien d’autres objets. Notamment les sous-vêtements que chaque garnement n’hésitera pas à montrer aux autres. Pendant des jours, la maman peut respirer l’air pur.

En effet, il y en aura ceux qui trouveront à redire sur les couleurs. Rouge, noire, jaune, blanche, bleue, verte, orange, etc., les couleurs expriment notre personnalité. Et les enfants n’y échappent pas. Autant les adultes se battent pour les couleurs, autant, à leur image, les enfants considèrent les couleurs comme déterminantes pour leur affirmation parmi les autres. Un sujet d’orgueil !

Pour manifester son impartialité et sa neutralité, une maman doit jouer sur ces artifices. Au Congo, cela sauve des femmes qui gèrent des foyers où vivent « des enfants du premier lit de l’époux ou de l’épouse, des neveux, des nièces, des cousins et cousines » comme le veut la tradition hospitalière sous les tropiques.

La couleur permet de vite trancher une querelle ou d’attraper ceux qui avaient « le bras long ». Car, pour peu qu’on te voie avec une assiette d’une couleur autre, le motif est vite trouvé pour te classer et te qualifier.

Cette réalité qui perdure encore exprime une certaine morale. Voire une philosophie sociale. À propos de philosophie, essence cachée de cette chronique, on retiendra que « la couleur » compte dans la vie des humains. Elle règle leurs relations. Assiettes, tasses, sous-vêtements ou maillots, la couleur accompagne l’homme même si nombreux feignent de ne pas le comprendre.

Parce que les couleurs sont justement source de conflits et traduisent l’injustice, nous avons salué, ici même et en passant, la mesure ministérielle qui a harmonisé l’uniforme scolaire au Congo. C’était en 2016. N’a-t-on pas assisté à des bagarres entre les élèves à cause de la tenue ou de sa couleur ? Une extension du conflit partie des assiettes./-

 

 

Van Francis Ntaloubi

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