Couleurs de chez nous: « Le lit d’hôpital »

Samedi 16 Décembre 2017 - 10:01

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C’est le lit de malade. Le lit accueille toute personne malade, le temps de son observation par le corps médical ou durant son séjour à l’hôpital. Le lit n’appartient pas au malade. Et dans une expression d’emprunt, on pourrait dire que le malade n’est qu’un locataire. Mieux : un passager qui laissera sa place à un autre malade.

Au Congo, cette expression est autrement utilisée dans le vocabulaire populaire. Ici, en effet, « le lit d’hôpital » (en lingala «« Mobali azali mbeto ya l’hôpital »)  renvoie à l’homme. Notamment à l’homme marié qui, selon les inventeurs de l’expression, n’est pas né pour une femme. L’homme, même marié, appartient à toute femme.  

En réalité, l’expression a une valeur homéopathique pour faire accepter aux femmes l’éventuelle condition de « femmes trahies ». Elle canonise la polygamie des hommes. Celle-ci doit être acceptée par les femmes comme une réalité sociale dictée par les traditions.

Vue sous cet angle, l’expression « le lit d’hôpital » n’est en rien réductrice ou péjorative dès lors que la polygamie est autorisée par le code de la famille. C’est à ce titre que la question est toujours inscrite parmi celles que les officiers d’état civil posent aux candidats au mariage s’ils optent pour la monogamie ou la polygamie.

Cependant, bien retournée, on comprend que derrière cette expression se cache l’idée insidieuse de pousser la femme mariée dans la rue. Parce que « l’homme est un lit d’hôpital » sur lequel chacun, plutôt chacune, peut se coucher, alors pourquoi lui faire confiance et lui vouer fidélité ?

Vous observerez que cette expression, à Brazzaville et dans d’autres villes du Congo, est souvent lancée sous forme de cri ou de parabole. Elle ponctue généralement un débat entre une femme inconsolable, car trahie par son époux, et ses proches venues la consoler. 

En un mot : l’expression est en soi rebelle et révolutionnaire en ceci qu’elle plaide pour une émancipation de la femme. Sauf que l’émancipation ou l’égalité souhaitée tranche avec la norme. Car, outre qu’elle rend la Congolaise rebelle non seulement vis-à-vis de son époux et de la société, elle aliène sa conscience.

Le revers de la médaille, quand on clame que « Mobali azali mbeto ya l’hôpital », en français « L’homme est un lit d’hôpital», c’est cette  déconstruction des foyers à laquelle on assiste. En d’autres termes, les défenseurs de cette thèse recommandent à la femme de faire comme son homme.

« Trouve-toi quelqu’un dehors qui t’aimera et te fera oublier les peines que t’inflige ton mari », telle est la funeste recommandation. Où va-t-on ?

 

Van Francis Ntaloubi

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