Couleurs de chez nous : « likelemba ! »

Vendredi 28 Octobre 2016 - 20:56

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Un mot simple mais riche dans son usage. Il désigne une pratique courante au Congo : la ristourne. Une manière pour les gens de ce pays de se constituer en petits groupes de six, sept, huit voire dix personnes ou plus, avec un montant que chacun doit verser selon une échéance bien définie (un mois en général). À la fin, la somme mobilisée est versée à l’un des membres du groupe. Objectif : permettre à chacun de réaliser un projet. Ou presque !

Mais la mayonnaise a si bien pris que la pratique dépasse la dimension financière. Dans les milieux ruraux, les paysans mutualisent leurs efforts dans les plantations.  Faute de tracteurs pour le labour, les paysans s’organisent en comités de huit à vingt personnes et décident de réaliser pour chacun un champ équivalent à un hectare, soit cent mètres sur cent. Donc dix mille mètres carrés. Selon un calendrier et une rotation acceptés par tous, ils réussissent le temps de la saison sèche à ouvrir un champ pour chacun des leurs.

Avec le temps, apparaissent d’autres couleurs de « likelemba » : l’assistance morale. Dans les milieux féminins notamment, on voit se créer des « mutuelles » aux consonances diverses. Petite revue : « femmes libres » ; « femmes dévouées » ; « Épouses légitimes » ; « Enfants légitimes » ; « Bana bakolo mapango (enfants de propriétaires de terrains) » ; « Femmes célibataires à respecter » ; « femmes cheffes », etc.

Derrière ces dénominations aux allures de paraboles aux adversaires,  la volonté affichée de s’entraider. Si ce n’est financièrement, mais celle d’assister les autres en cas de situation spéciale tels l’accouchement, l’hospitalisation, le décès d’un proche, le mariage, le voyage…L’argument avancé : « il faut aller assister les autres pour espérer la même assistance le jour où une situation t’arrive.»

Tels parents, tels enfants : les plus petits dans les écoles forment leur groupe de solidarité. On dira plutôt de sécurité. Comme on ne peut pas prévoir ou éviter une bagarre, il faut intégrer un groupe d’amis de sorte qu’en cas de menace sur le chemin de l’école, on est vite secouru. Il faut se battre même sans raison, chaque fois qu’un membre du groupe est en indélicatesse. Faute de quoi, aucune assistance ne te sera garantie au nom de la réciprocité. Au nom de la ristourne !

S’agit-il d’une réalité essentiellement congolaise ?

Van Francis Ntaloubi

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