Couleurs de chez nous : " Losako !"

Vendredi 19 Octobre 2018 - 19:36

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Ils ne sont pas nombreux ces Congolais qui font attention à ce mot. Les plus grands se souviendront qu’il a été repris sous forme de refrain dans l’une des chansons produites durant l’époque de la révolution, sous le monopartisme. Littéralement, "Losako" veut dire "Bonjour". Mais, chez le peuple likuba, riverain du fleuve Congo (ressortissants de Mossaka dans la Cuvette) et même en face sur l’autre rive (République démocratique du Congo), "losako" est une forme de salutation typique et expressive de la culture de cette communauté.

En réalité, le mot ne se suffit pas à lui seul. On dira, ou on entendra souvent « Losako pomba ! ». En d’autres termes : « Je te salue cher aîné » ou, simplement, « Bonjour aîné ! ». La chose intéressante, ici, c’est le fait que le salut vient du plus jeune et c’est lui qui « interpelle » le plus âgé lors d’une rencontre.

Et la coutume veut que le plus âgé réponde par un proverbe qui traduit sa sagesse et son expérience de la vie. Ce qu’il va dire au plus jeune qui le salue peut être retenu comme un conseil ou une orientation dans la vie. Mieux encore, comme une transmission de savoir.

À travers ce rituel – car, c’en est un –, les plus jeunes apprennent auprès des anciens et ainsi se perpétue et se préserve la culture. Ce n’est pas tout ! Cette exigence socio-culturelle suppose, chez ce peuple, un effort des aînés à disposer de florilèges de proverbes. Car, pour les plus jeunes, ils deviennent cette source intarissable à laquelle on vient s’abreuver.

Honneur et hommage seront rendus, alors, à ces aînés à qui on reconnaît la pertinence, la richesse et la diversité des maximes ou proverbes. Dans cette culture ancienne, l’aîné est présenté comme un intellectuel des temps modernes dont le discours est couronné de citations.

En effet, il y a quelques années, les collégiens aimaient côtoyer les lycéens parce qu’attirés par les citations ou les formules que ces derniers sortaient lors des discussions. Les relations étaient plus ou moins les mêmes entre les lycéens et les étudiants. C’était l’époque où la philosophie était considérée comme la meilleure des disciplines et « la mère des sciences ». On dira, sans exagérer, que les « aînés likuba » sont à l’image de ce qu’étaient les « professeurs de philosophie » de l’époque vers lesquels on accourait dans l’espoir d’arracher un propos instructif.

La beauté de cette coutume n’a pas laissé indifférents certains comédiens. Il en est un, de la rive droite, qui s’est approprié la problématique sur les réseaux sociaux. Sous un air comique et remarquable par son accoutrement et son maquillage, il se fait interpeller par un plus jeune avec ce plaisir affiché de lui arracher les maximes ou saillies du jour comme celle-ci que j’ai appréciée : « L’homme nu ne met pas ses mains dans les poches ».

En évoquant cette culture du peuple de Mossaka, on exprimera cette déception de voir disparaître d’autres cultures telles les contes et les devinettes qui, à bien des égards, mobilisaient l’intelligence des enfants et les préparaient à la vie en société. Autant de couleurs qui manquent à la nouvelle génération.    

Van Francis Ntaloubi

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