Couleurs de chez nous : peur et superstition

Samedi 3 Novembre 2018 - 10:55

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel

Dans bien des cas, les Congolais ont déjà tourné le dos à certaines de leurs traditions. Celles, notamment, qui les empêchent d’embrasser la modernité. Pour mieux dire les choses, les Congolais sont partagés en deux ou trois camps : ceux qui demeurent dans la tradition dans leurs actes et pensées ; ceux qui sont à cheval entre tradition et modernité et, enfin, ceux qui ont basculé dans la modernité et ne gardent de leurs cultures que la langue. Ou rien du tout !

Dans la vie quotidienne, le tableau ci-dessus peint produit bien ses effets. Observez et vous comprendrez ! Quand il est invité à s’asseoir sur un siège ou dans un fauteuil à peine libéré, le Congolais ou la Congolaise fait comme s’il frappait à une porte pour s’entendre dire « Entrez ! ». En d’autres termes : la personne qui était assise avant a dû laisser son esprit et le fait de « frapper » oblige l’esprit à libérer la place…

Dans les administrations, personne ne prend le risque de s’asseoir sur le siège de l’autre, « le fauteuil d’autrui », quelle que soit l’urgence ou la nécessité de service.  La raison évoquée est plus ou moins la même : l’ombre du titulaire occupe toujours la chaise malgré l’absence physique de ce dernier.

Dans la rue, certains individus refusent de passer entre deux autres, craignant de se voir voler leur esprit par le duo d’inconnus. Une bien triste réalité que l’on a transférée au niveau des administrations où l’on voit des personnes, agents ou non, figées parce que ne pouvant se frayer un passage entre deux individus qui sont debout.

Observateur de la vie congolaise, une scène a attiré mon attention : celle d’une femme qui avait un nourrisson dans ses mains. Quelle n’était pas sa peine en voulant monter dans le minibus qu’elle venait d’héler ! Sauf qu’elle a résisté à la proposition d’un jeune homme déjà installé qui voulait lui prendre le bébé pour lui rendre la montée du minibus aisée. « Que je lui remette mon enfant afin qu’il lui vole son esprit ! », a-t-elle marmonné alors qu’elle prenait place à l’arrière. 

Au Congo, il est « interdit » de payer sa créance la nuit. Une culture entretenue par cette superstition qui ne quitte pas les Congolais et qui veut que toute dette soit payée le jour. « Payer la nuit équivaut à payer aux esprits qui hantent les maisons ». A propos de la maison, il faut signaler cette autre réalité de chez nous qui veut que l’entretien ne se passe que de jour et non de nuit. Balayer une maison la nuit est aussi mal perçu. 

Tout comme enjamber une personne. Ce qui crée des conflits entre couples. En effet, au Congo, l’homme doit dormir devant, du côté de la porte d’entrée pour protéger sa femme contre les mauvais esprits. Le lit étant collé au mur. Cependant, le dernier qui le rejoint est soumis à cet exercice d’enjambement. Superstition oblige, il faut réveiller celui ou celle qui dort déjà ou lui faire plier ses pieds… Autant de gestes et d’actes, à côté de bien d’autres, qui ne nous avancent pas dans notre quête du développement.

Van Francis Ntaloubi

Notification: 

Non