Crise en Méditerranée orientale : Athènes et Nicosie veulent une décision plus ferme de l’UE contre Ankara

Mercredi 26 Août 2020 - 16:50

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La découverte ces dernières années de vastes gisements gaziers dans la région aiguise l’appétit des pays riverains et renforce depuis quelque temps les tensions entre la Turquie, d’une part, et la Grèce et Chypre, d’autre part,  en désaccord sur la délimitation de leurs frontières maritimes. L’arbitrage des 27 est maintes fois sollicité pour régler ce dossier sur lequel la France se montre plus offensive que l’Allemagne face aux autorités turques.

En attendant de se pencher à nouveau sur ce contentieux lors d’une réunion prévue les 27 et 28 août à Berlin, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne affichent leur solidarité avec la Grèce dans son différend avec la Turquie. Un appel a d’ores et déjà été lancé à ce pays pour « une désescalade immédiate et un réengagement dans le dialogue », selon le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.

Outre la délimitation du plateau continental entre Athènes et Ankara, les contentieux entre l’UE et la Turquie se sont multipliés au cours des derniers mois. Il s’agit des forages turcs au large de Chypre qui sont un sujet de discorde, ainsi que des violations par la Turquie de l’embargo de l’ONU contre la Libye. L’Allemagne, qui assure la présidence tournante du Conseil de l’UE et entreprend une médiation sur ces dossiers, redoute une nouvelle crise migratoire en Grèce si le gouvernement turc ouvre les portes de son pays aux millions de migrants et réfugiés syriens bloqués sur son territoire.

Non satisfaits de la pondération de la communauté européenne, la Grèce et Chypre qui accusent la Turquie de violer leur souveraineté territoriale, en effectuant des « recherches illégales » dans leurs eaux, souhaitent que l’UE passe à une vitesse de croisière pour régler ce différend. Athènes et Nicosie veulent notamment que l’organisation adopte une position plus ferme face aux velléités de la Turquie en Méditerranée orientale, sur fond de tensions exacerbées liées à l’exploration d’hydrocarbures.

« L’escalade de l’agression turque » est dirigée contre l’UE, affirme le ministre grec des Affaires étrangères, Nicos Dendias. « Les provocations turques montrent du mépris à l’égard des positions claires de l’UE, des Etats-Unis (...) du mépris pour les valeurs européennes, pour le droit international (...) et constituent une militarisation inacceptable », a-t-il relevé, accusant Ankara de jouer un « rôle déstabilisateur » dans la région. Son homologue chypriote, Nikos Christodoulides, dénonce « le comportement délinquant » d’Ankara dans cette affaire.

Les tensions persistent entre Ankara et Paris

La situation entre les parties concernées a empiré après la signature le 6 août par l’Egypte et la Grèce d’un accord délimitant leurs frontières maritimes. Ankara qui avait signé fin novembre 2019 un document controversé de délimitation maritime entre la Turquie et la Libye a rejeté ce « prétendu accord maritime », le qualifiant de « nul et non avenu ».  Il a, de ce fait, envoyé une flotte navale pour accompagner un navire de recherche sismique dans des eaux disputées. En réaction, Athènes y a dépêché également des navires militaires. Paris a, en soutien à Athènes, déployé temporairement deux chasseurs Rafale et deux bâtiments de la Marine nationale en Méditerranée orientale.

Le président français, Emmanuel Macron, a pris position pour la Grèce parce qu’il considère que son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, mène « une politique expansionniste qui mêle nationalisme et islamisme, qui n’est pas compatible avec les intérêts européens » et est « facteur de déstabilisation ». « L’Europe doit voir les choses en face et s’assumer », a-t-il dit à la presse. « Je ne suis pas pour l’escalade. Mais, symétriquement, je ne crois pas dans une diplomatie impuissante. On a envoyé le signal que la solidarité européenne avait un sens », a ajouté le chef de l’État français.

La France a averti la Turquie de ne plus se livrer à sa politique actuelle dans la zone disputée : « La Méditerranée orientale ne doit pas être un terrain de jeu des ambitions de certains ; c'est un bien commun »« le respect du droit international doit être la règle et non l'exception », a déclaré la ministre française des Armées, Florence Parly.  

Sans la nommer, le président turc qui a annoncé que son pays a découvert en mer noire « le plus grand gisement de gaz naturel » de son histoire s’en est pris à la France. « Aucune puissance coloniale ne peut priver la Turquie des ressources naturelles qui pourraient se trouver dans cette zone », a déclaré le chef de l’Etat turc. Les « sanctions et les menaces » ne dissuaderont pas la Turquie de mener des recherches énergétiques dans une zone de la Méditerranée orientale disputée entre Ankara et Athènes, a-t-il prévenu lors d’un discours retransmis à la télévision, ajoutant : « Sur cette question, notre pays a entièrement raison et nous allons défendre nos droits en utilisant tous les moyens à notre disposition ».

Les nouveaux développements de la crise font déjà craindre l’aggravation de la situation au moment où Ankara et Athènes tiennent présentement en mer noire des exercices militaires rivaux. Le premier est conduit par la France, la Grèce, l’Italie et Chypre. Le second, composé de « navires turcs et alliés » a lieu au sud de l’île de Crète. Il est qualifié par les médias turcs de « riposte » aux navires militaires d’Athènes.

 

 

Nestor N'Gampoula

Légendes et crédits photo : 

Navire turc d'exploration d'hydrocarbures en Méditerranée orientale

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