Danse Kiebe-Kiebe : le Pr Théophile Obenga revient sur la portée initiatique du rite

Lundi 13 Mars 2017 - 19:30

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En sa qualité de représentant spécial du chef de l’Etat, le Pr Théophile Obenga a donné la leçon inaugurale du Musée Kiebe-Kiebe de N’Gol’Odoua. Nous publions dans la présente édition des extraits de son discours ainsi que  l’écho culturel à donner à cet évènement historique.

Pour ce premier musée du genre, N’Gol’Odoua a été retenu pour l’ancrage des us et coutumes du Kiebe-Kiebe.  « Ces lieux reposants, promis d’office à la méditation, et qu’aucune divinité ne dédaignerait d’y édifier un temple à la Paix, sur ce bas parcours des eaux constantes de l’Alima, royaume d’enfance de Denis Sassou N’Guesso », a déclaré Théophile Obenga dans sa leçon inaugurale.

« …Ici donc, à N’Gol’Odoua, voici environ trois à cinq siècles, centre actif d’échange « après » (ngola) le « quatrième jour » (odoua) de la semaine mbochi », tel est le sens approprié selon Théophile Obenga en ce qui concerne l’explication à donner au sens de l’obvie de la contraction N’Gol’Odoua, soit, étymologiquement, « le quatrième jour de la semaine ».

L’autre compréhension de ce lieu d’échange se situe en amont du fleuve. A noter que contrairement à Mbindzi, N’Gol’Odua est resté une station périodique de pêche pour les enfants et les jeunes d’Oyo et d’Edou. Un constat poussant la conviction du professeur à affirmer que « le jeune Denis Sassou N’Gesso a pratiqué la pêche à N’Gol’Odoua ».

Allant à l’essentiel, l’orateur a évoqué trois idées-forces ayant mené à la création de « ce radieux musée ». La première, c’est de dire qu’il est dédié à l’Ordre initiatique des ancêtres, inventeurs du Rite hermétique Kiebe-Kiebe, qui a ses grades et degrés officiels. Ce Rite ancestral est spécifique aux groupes Koyo-Mbochi-Tege Alima du Congo.

Géographiquement, ce rite ancestral a pour berceau natif et ses zones d’extension dans la Cuvette-Ouest autour d’Assigui, les Plateaux autour d’Abala, Alembe, la Cuvette centrale autour de Olongo-One, Otende et Bokouelé. « Les différences, minimes, ne portent que sur le détail », a précisé Théophile Obenga.

La deuxième idée-force, est que le Musée Kiebe-Kiebe de N’Gol’Odoua est un Musée de « Métamorphose ». Empruntant ce terme au récit de Kafka, il a qualifié le Musée de « Métamorphose spirituelle ». « C’est-à-dire que les 150 figurines sculptées-et déjà cataloguées du Kiebe-Kiebe se transforment mystérieusement en forces gardiennes et protectrices des forêts, savanes, cours d’eau, étangs, plantes, animaux et êtres humains, d’écosystème en écosystème, sur l’ensemble des contrées concernées » « Des esprits de la nature existent dans nos cultures ».

La troisième et la dernière idée-force touche la fonction même du Musée de N’Gol’Odoua qui est un musée d’art congolais, « donc d’art africain ». Comparant les idéologies et les épistémologies qui séparent radicalement les réalités culturelles africaines les unes des autres, le Pr Obenga a reconnu que celles-ci « ne montrent qu’une insuffisance heuristique ».

« Dès cet instant inaugural, jadis et naguère muettes, silencieuses, face au reste du monde, les sculptures Kiebe-Kiebe de N’Gol’Odoua entrent enfin dans l’histoire de l’humanité. Elles diront ce qu’elles auront à dire, et comment le dire ».

« Des paroles de portée universelle, encore audibles dans la mémoire éclatée des peuples africains des diasporas : musiques et danse au « Kongo Square » en Nouvelle-Orléans, aux U.S.A. ; mythes et rituels de Bahia au Brésil, jusqu’à Cuba, cette même Présence Africaine ».

A l’adresse du président de la République, Théophile Obenga, admiratif de l’homme d’Etat, souligne : « Pour un homme d’Etat, sauver l’art d’un peuple, c’est plus qu’une affaire de fierté et de gloire légitimes. Il est plutôt question, à bien y voir, de faire entrer un peuple dans l’éternité des temporalités historiques mondiales. Cela seul relève du progrès humain qui vaille ».

En ce qui concerne la cérémonie en elle-même, Maurice N’Guesso, frère ainé du chef de l’Etat, en tant que dignitaire, a fait l’évocation des esprits et des mannes au point de surprendre l’assistance à l’entame de ce rite. Liant le traditionnel au modernisme, le chef de l’Etat a coupé le ruban symbolique avant de se prêter à la visite guidée du Musée par Abraham Ibela, initié aux pratiques du Kiebe-Kiebe.

Désormais, près d’Oyo, il est établi que le Congo, qui le doit à son président, est un pays « non pas seulement d’idées, mais d’idéal : l’idéal qui fonde un Rite initiatique qu’est le Kiebe-Kiebe ; l’idéal d’humanité véritable qui justifie la création du Musée de N’Gol’Odoua ; l’idéal qui fait craindre, comme le feu, le peu et le moindre ».

 

 

 

 

Marie Alfred Ngoma

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