Débat autour d’un boss de la mafia

Mardi 6 Juin 2017 - 21:09

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Toto Riina est mourant en prison. Faut-il le libérer pour des raisons humanitaires ? L’Italie est divisée.

C’est le combat entre la justice et le bon sens. A 86 ans, le chef suprême de la mafia sicilienne, il capo di tutti Toto Riina lutte contre un cancer en prison. Depuis 1993, le capo incontesté de Cosa Nostra purge une peine à perpétuité à la prison de Parme. Un de ses avocats estime que l’homme étant pratiquement en fin de vie peut aller purger sa peine chez lui, à la maison, puisqu’à cet âge et dans son état il n’est plus nuisible à la société. Il a donc introduit un nouveau recours auprès de la Cour de cassation. Et c’est là que le feu a été mis aux poudres.

Car l’an dernier la Cour de Bologne avait déjà rejeté une telle requête, estimant que le prisonnier pouvait bien suivre son traitement médical en prison sans pour cela recevoir de traitement de faveur. Car Riina, homme en rondeur et à l’apparence d’un pépé tranquille, n’est pas n’importe qui. Quand il régnait sur la mafia sicilienne, ses sentences à lui étaient sans appel. Il a tué, volé, organisé des réseaux et fait exécuter les contrats les plus sanglants par ses hommes de main. Sans pitié pour les condamnés, enfants, vieillards ou agents assermentés.

C’est notamment sous ses ordres que deux juges antimafias italiens de renom, Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, ont été tués dans des attentats spectaculaires en 1992 et en 1993. Toto Riina a régné sur la Sicile pendant vingt ans ; vingt ans d’une terreur diffuse dans une région où aucune décision étatique, politique (ou même religieuse, disent certaines langues) ne pouvait être prise sans que la mafia ne soit consultée et ne donne son contentement.

La question désormais est celle de savoir s’il faut assurer au sanguinaire ancien chef de la mafia, comme l’a indiqué la Cour de cassation, « le droit de mourir dignement ». La Cour semble vouloir aller dans le sens d’un élargissement pour des raisons humanitaires, ce qui fait littéralement sauter au plafond les familles de ses centaines de victimes. « Et lui, a-t-il permis à nos parents de mourir dans la dignité ?», s’insurge un des opposants à cette possible décision. « Pas question », disent-ils.

En rejetant un premier recours l’an dernier, la Cour de cassation de Bologne avait pourtant indiqué que Toto Riina présentait encore « un danger de récidive », « une dangerosité notable ». D’autant que l’homme, même pendant ses procès les plus embarrassants, n’a jamais donné signe d’un quelconque repentir. Ou d’une dissociation des actes qui lui collent pesamment à la peau. Au contraire, dans un langage codé, il continuait de donner des ordres secrets à ses tueurs ! Lundi la justice de Bologne a ajouté l’état de santé déplorable de l’ancien boss mafieux comme élément nouveau occasionnant un examen sous un nouvel angle de sa situation.

La justice va donc devoir se prononcer de nouveau, pour savoir si Toto Riina ira finir ses jours et sa peine entouré de ses enfants et petits-enfants, chez lui. C’est désormais la lutte entre une certaine idée de justice et le bon sens citoyen. Faut-il traiter un impitoyable sanguinaire de la mafia à l’aune de ce que disent les lois, ou faut-il suivre une opinion qui n’est pas loin de préférer la loi du Talion : « il a tué sans pitié, qu’on le laisse crever sans pitié dans sa cellule de prison ». Toto Riina est accusé d’avoir commandité plus de 150 assassinats…

Lucien Mpama

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