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Débats sulfureux

Vendredi 4 Avril 2014 - 1:00

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« Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait… » La jeunesse doit pouvoir savoir. Les jeunes nés depuis la fin de la Conférence nationale doivent savoir que la Constitution, issue de ces assises, a eu des conséquences désastreuses sur le cours de l’histoire de notre pays.

La Conférence nationale accoucha d’une constitution consensuelle puisque conçue par un cénacle « démocratique ». Il n’en fallut pas beaucoup pour que très vite, dès son application, elle fût l’objet de controverses ; en prime, par le Lissouba himself. À l’époque, le journal Aujourd’hui, dans son numéro 17 du 18 novembre 1992, s’interrogeait : « Faut-il jeter la Constitution congolaise à la mer ? » Notre confrère Mouandinga Ngolo écrivait dans son papier : « Dans une déclaration à Radio-Congo, le président de la République [Pascal Lissouba, NDLR] a prétendu que la Constitution congolaise n’émanait pas du peuple. Sa parfaite collusion avec la Constitution française trahit les aspirations profondes de ce même peuple. S’agit-il d’un de ces lapsus dont on crédite souvent le chef de l’État ? Par ailleurs, la proximité de ce propos avec ceux d’André Milongo qui n’hésite pas à qualifier la loi fondamentale de “sophistiquée” nous interpelle sur la nécessité ou non de réviser la constitution. » Ce texte est rédigé huit mois après l’adoption de ladite constitution par référendum, le 15 mars 1992.

Mouandinga Ngolo poursuit son papier : « En dressant l’acte d’accusation de la Constitution, ses détracteurs ont tenté de bâtir dans l’imaginaire de nouvelles théories entre une majorité homogène et une majorité hétérogène. Qu’à cela ne tienne, dans un pays où les alliances se font et se défont à un rythme d’enfer et en fonction des intérêts immédiats, existe-t-il réellement des majorités d’idées ? » Ces propos sont d’une justesse et d’une extraordinaire actualité. Plus de vingt-trois ans après la fin de la Conférence nationale, les choses, à l’évidence, n’ont pas, au plan politique, beaucoup évolué. Les coalitions de circonstance, souvent contre nature, prospèrent et la « République des savants » a encore de beaux jours devant elle.

Les hommes politiques congolais sont un désastre pour ce pays. Incapables de se transcender et de transcender les situations, ils ferraillent pour des vétilles. L’intérêt particulier étant toujours et encore plus fort que l’intérêt général. Or, le débat sur la constitution, aujourd’hui, implique de sortir du schéma éculé des combats d’égo, qui ont toujours entretenu le cercle vicieux de la violence rampante.

En effet, la Constitution de 2002 n’a pas échappé aux critiques dès son adoption. Contrairement à celle de 1992, au lieu de la guerre, elle a produit la paix en dépit de faiblesses intrinsèques évidentes. La première et la plus inique est le verrou de l’âge ; elle fixe, pour quelle raison, on ne sait, le plancher à 40 ans et le plafond à 70 ans. Dans le genre, Kafka ne ferait pas mieux dans un pays où la majorité, c’est-à-dire, la capacité à assumer ses responsabilités, au propre comme au figuré, est fixée à 18 ans. On pourrait aligner à l’infini les limites de la constitution actuelle. Bref. Elle a fait son temps et rempli son rôle de « constitution de transition ». En avait-elle la vocation au départ ? Qu’à cela ne tienne, il est temps et urgent de passer à autre chose : une constitution pérenne, d’inspiration congolaise, nourrie, pourquoi pas, de la sève des autres. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, dit-on. Ce qui, tant s’en faut, n’est pas contradictoire avec la volonté d’authenticité qui devrait sous-tendre la conception de la nouvelle constitution.

Le Congo est engagé résolument dans la voie du développement comme en témoignent les progrès accomplis depuis quelques années. Le rééquilibrage national par la réduction de la première inégalité, inégalité entre les départements et les villes-départements (Brazzaville et Pointe-Noire) est en marche. Les villes de nos départements changent. Il n’est que de voir Owando ou Djambala aujourd’hui, Sibiti et Ouesso demain, pour se rendre à l’évidence du travail en cours. Ne nous laissons donc pas entraîner dans des débats sulfureux d’un autre âge, celui où les gens recherchaient absolument l’affrontement en lieu et place du consensus. Autour d’une constitution qui, à l’épreuve des faits, est inadaptée, réfléchissons pour trouver un texte constitutionnel plus adapté aux enjeux actuels et futurs. Cinquante ans après l’indépendance, nous devrions être capables de sortir d’une conception mimétique non performante dans la conception de nos constitutions.

Mfumu

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Édition Quotidienne (DB)

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