Décentralisation : un front katangais s’érige contre le découpage territorial

Mardi 6 Janvier 2015 - 15:15

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Recevant le 5 janvier les notabilités du Katanga, Joseph Kabila s’en est pris vertement à ceux qui veulent provoquer des bains de sang dans la province cuprifère en créant des milices.

Rien de significatif n’est sorti de la rencontre que le chef de l’État avait eue lundi dans sa ferme de Kashamata, à une dizaine de kilomètres au sud de Lubumbashi, avec des personnalités politiques et des membres de la société civile, originaires du Katanga. Aucune conclusion majeure n’a été obtenue sur les divergences qui opposent les fils du Katanga sur des questions d’intérêt national. La réunion a finalement donné lieu à une adresse de Joseph Kabila à ses hôtes, sans débat. Ce dernier en a profité pour fixer les esprits sur des matières touchant à la vie politique immédiate du pays. En l’absence de deux grands poids lourds de la scène politique katangaise, en l’occurrence Moïse Katumbi et Gabriel Kyungu wa Kumwanza respectivement gouverneur et président de l’Assemblée provinciale du Katanga, la réunion avec les « notabilités katangaises » s’est muée en une opportunité pour Joseph Kabila de réaffirmer son autorité dans une région qui tend à lui échapper politiquement.

En réaffirmant haut et fort l’option du découpage territorial tel que prévu dans la Constitution, Joseph Kabila a tenu à dissuader ses interlocuteurs à ne pas arpenter le chemin sinueux du séparatisme prôné par certains fils de la province en mal de sensation. Pour le chef de l’État, la réorganisation territoriale et administrative en RDC est inévitable et procède de la volonté du législateur à contribuer à une meilleure gestion du pays via une décentralisation prenant corps à partir de la base. « Ceux qui sont contre ce processus ont tort », a-t-il tranché, de façon péremptoire. Allusion faite à Kyungu wa Kamwanza qui, lors de la clôture de la session parlementaire de 2014, s’est prononcé ouvertement contre le découpage du Katanga faisant du retour à la paix un des préalables majeurs à toute idée de démembrement de la province.

Des sons discordants

Sur cette question capitale, Joseph Kabila devra batailler dur pour convaincre une caste des politiciens katangais aux relents sécessionnistes longtemps contenus à  l’image de Gabriel Kyungu en qui se reconnaissent de nombreux katangais. Apportant de l’eau au moulin de celui qui passe désormais pour un allié sûr, Moïse Katumbi se montre également intraitable sur la question. Pour le gouverneur du Katanga,  la violation intentionnelle de l’article 220 de la Constitution qui fixe le mandat présidentiel à cinq ans renouvelable une fois doit entraîner automatiquement l’inapplication de l’article 4 de la même Constitution qui stipule que « de nouvelles provinces et entités territoriales peuvent être créées par démembrement ou par regroupement dans les conditions fixées par la Constitution et par la loi ». Le gouverneur du Katanga qui s’affiche actuellement comme antirévisionniste de la Constitution pourrait éventuellement accepter le démembrement de sa province en échange du renoncement par Joseph Kabila à brigueur un troisième mandat, fait-on savoir dans certains milieux. Chantage ou stratégie politique ? Une chose est sûre, c’est que sur cette matière, Joseph Kabila et le duo Katumbi-Kyungu auquel il faudrait joindre désormais l’ancien bâtonnier du barreau de Lubumbashi Jean Claude Muyambo, n’émettent pas sur la même longueur d’ondes.

Ne cédant pas aux chants de sirène distillés par cette caste des politiciens katangais, Joseph Kabila a mis en garde contre toute velléité sécessionniste en affirmant qu’il va personnellement faire respecter la loi. « Le Katanga n’est pas une république mais une province. Nous ne sommes pas dans le fédéralisme. Tous les dirigeants sont obligés de répondre aux ordres du gouvernement central », a-t-il martelé avant d’ajouter qu’il va mater ceux qui veulent monter de nouvelles milices pour déstabiliser le pays. Et d’ajouter que l’autorité de l’État sera ressentie au Katanga comme pour étouffer dans l’œuf tout projet de rébellion en passe de germer dans certains esprits.

Rupture consommée  

Joseph Kabila s’est étonné par ailleurs de la situation socioéconomique précaire de la province du Katanga qui a bénéficié de plus gros investissements, principalement dans le secteur minier, sans que sa population n’en tire des dividendes en terme d’amélioration de ses conditions de vie. Un pic lancé à la gouvernance politique de cette partie du pays vite repoussé par certains acteurs politiques katangais qui mettent en relief notamment le non-respect de la rétrocession de 40% pour justifier le développement au ralenti du Katanga.   

 Plus que jamais, la rupture est aujourd’hui consommée entre Joseph Kabila et le trio Katumbi-Kyungu-Muyambo qui s’est désolidarisé de la Majorité présidentielle en se dressant contre toute perspective d’un troisième mandat de Joseph Kabila. Ni le séjour récent de ce dernier dans son fief katangais, ni la visite de travail y effectué par le nouveau patron de la sécurité intérieure Evariste Boshab, rien n’a hélas pu ramener les trois récalcitrants aux bons sentiments. Somme toute, un front contestataire est en train de prendre corps au Katanga suite à la fronde initiée par Moïse Katumbi compliquant ainsi la donne politique dans une province où la majorité présidentielle semble ne plus exercer plus une réelle emprise.  

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Moïse Katumbi Chapwe