Décès d’Étienne Tshisekedi : un coup dur assené au processus de sortie de crise

Jeudi 2 Février 2017 - 18:55

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C’est un grand défi pour l’ensemble de la classe politique congolaise et pour les acteurs du Rassemblement appelés à transcender les émotions pour poursuivre la lutte d’Étienne Tshisekedi pour l’instauration d’une vraie démocratie en RDC. 

La disparition brutale d’Étienne Tshisekedi, l’irréductible opposant au régime Kabila, continue d’inspirer des analyses diverses avec, en toile de fond, la peur de l’inconnu que représente désormais l’avenir politique de la RDC. Le « Sphinx » de Limete tire sa révérence au moment où la majorité présidentielle et le Rassemblement cherchent à se mettre d’accord sur les modalités d’application de l’accord politique signé le 31 décembre dernier et censé permettre la gestion du pays pendant la transition jusqu’à l’élection du prochain président de la République. Alors que les discussions achoppent sur les arrangements particuliers avec, en prime, le mode de désignation du Premier ministre, d’aucuns craignent qu’avec cette disparition, le processus électoral pique du nez et s’enlise dans des conciliabules sans fin. Le Rassemblement est, comme qui dirait, orphelin de son mentor, celui auprès de qui ses membres allaient s’abreuver, lors de grandes crises, pour tirer des orientations nécessaires susceptibles, soit de résoudre une difficulté,  ou soit, de l’atténuer.

Autant dire que l’équation se complique pour cette famille de l’opposition. Déjà, au niveau du Conseil national de suivi de l’accord du 31 décembre (CNSA), cette institution d’appui à la démocratie à mettre en place pendant la transition et dont la présidence a été confiée à Étienne Tshisekedi, il faudra s’attendre inévitablement à une redistribution des cartes. De prime abord, la vacance est à constater à la présidence de cette institution avant d’envisager l’introduction d’un avenant à l’accord pouvant résoudre l’impasse juridique et politique née de l’absence d’une disposition censée régler la question de la succession ou du replacement du président du CNSA. Le fait aussi que le principe de la préséance a été levé dans le cas des trois vice-présidents complique également la donne.

Ce qui ouvrirait la voie à la manifestation des ambitions pouvant donner lieu à des nouveaux conciliabules. Le Front pour le respect de la Constitution, qui a toujours lorgné ce poste pour le besoin de l’équilibre entre les forces politiques, trouvera sans doute l’occasion propice pour faire prévaloir ses ambitions. Un nouvel obstacle s’érige donc sur le chemin de l’application de l’accord du 31 décembre avec le décès d’Étienne Tshisekedi qui enlève du coup à l’opposition le contrepoids qu’elle représentait par rapport à la frénésie de la majorité présidentielle à mener les débats selon son rythme.    

Entre-temps, au niveau du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, la pilule est amère à avaler. La mort d’Étienne Tshisekedi crée un vide au sein de cette structure et même dans toute l’opposition. Un vide qui sera certainement difficile à combler car bien qu’il ait lutté toute sa vie pour la démocratie et l’alternance au pouvoir, le « Sphinx » de Limete n’avait aucunement balisé le chemin pour sa succession. En l’absence d’une personnalité de poigne et charismatique de sa trempe, d’aucuns craignent que le Rassemblement finisse par perdre de son aura et s’affaiblisse là où la majorité aura des coudées franches pour asseoir son leadership dans la conduite de la vie politique en RDC. Il va de soi que des ajustements seront opérés au sein du Rassemblement pour pallier le vide laissé par le défunt.

Une équation pour l’opposition  

En attendant, c’est Pierre Lumbi, président actuel du G7 et normalement vice- président du Rassemblement qui devra en assurer la présidence intermédiaire. D’où les question : le successeur d’Étienne Tshisekedi sera-t-il fédérateur ? Aura-t-il les arguments à faire valoir pour cristalliser, autour de sa personne, les visions des uns et des autres autour d’un idéal commun comme avait su le faire le défunt ?

Les mêmes inquiétudes peuvent également se transposer au niveau de l’UDPS où     les tendances convergent autour de deux prétendants au trône, en l’occurrence Valentin Mubake et Félix Tshisekedi. À défaut de disposer de sa convention démocratique et de sa commission électorale permanente, c’est en principe au secrétaire général du parti, indiquent les textes, à qui revient la charge d’assumer l’intérim du président décédé jusqu’à nouvel ordre. « C’est là le début d’une nouvelle histoire de ce parti. Nous allons voir si Tshisekedi a bien investi ou si l’ensemble de ses collaborateurs ont reçu quelque chose de cet homme. Nous allons voir s’ils vont se souder autour de cette personnalité malgré sa disparition ou s’ils vont chercher à se positionner », a dit l’analyste politique Joseph Kongolo.

Comme lui, beaucoup de Congolais pensent que le moment est venu pour que l’ensemble de l’opposition se ressaisisse de manière à continuer le processus pour arriver jusqu’au bout et organiser les élections au mois de décembre comme il a été convenu dans l’accord du 31 décembre. Car la seule manière d’honorer la mémoire de l’illustre disparu, c’est de poursuivre sa lutte pour la démocratie, là où il l’a laissée.

 

 

Alain Diasso

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