Développement: un rapport alternatif sur l'Afrique pointe du doigt les failles des études internationales

Mercredi 8 Août 2018 - 12:30

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Le document propose une autre grille de lecture sur le continent, en prenant en compte certains facteurs « oubliés » parfois par certaines institutions de développement.

 

 

 

Le rapport a été établi par une quarantaine de chercheurs et lancé par le réseau Enda Tiers-Monde à Dakar, au Sénégal. Il critique l'analyse et la vision que présentent les rapports européens et américains de l'Afrique. Le secrétaire exécutif d’Enda Tiers-Monde, Moussa Mbaye, explique que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l’Organisation de coopération et de développement économiques ainsi que l’Organisation mondiale du commerce déploient en Afrique leur vision du développement sans prendre en compte les réalités de ce continent. Ils ont du mal, selon lui,  à déchiffrer les mutations et les transformations qui s’y opèrent ou à définir les véritables priorités du continent. « Nous avons cherché un moyen qui permette aux Africains de consigner leur histoire, d’exprimer leur avenir et de revendiquer leur souveraineté dans un projet commun de société. C’est de ce besoin qu’est né le Rasa», a-t-il souligné.

Pour le secrétaire permanent du Rapport alternatif sur l'Afrique (Rasa), Cheikh Gueye, ce premier rapport doit être l’instrument des transformateurs de l’Afrique, pour renverser des idéologies et des épistémologies des analyses habituelles d’un continent « trop souvent considéré par la communauté internationale à la fois comme un puits de ressources naturelles, un maillon faible des réseaux de pouvoir et un partenaire éternellement assisté ».

Cheikh Gueye ajoute : « Nous voulons nous départir d’une vision libérale et occidentale du développement, questionner les indicateurs habituellement utilisés pour mesurer le développement, afin de voir le progrès à travers la cosmogonie des Africains. Nous voulons permettre la construction de notre propre métaphore », sans s'opposer à une diversité de vues mais plutôt une prise en compte de nouveaux indices de mesure plus adaptés au continent et correspondant à « des objectifs qui ont de la valeur pour les gens afin de sortir de l’économisme pur ».

Il affirme que pendant très longtemps, le chômage a été calculé en Afrique selon les consignes du Bureau international du travail, « considérant qu’une personne non salariée ne travaille pas, alors que dans des pays comme le Sénégal, le secteur informel concerne près de 90 % des emplois ». Le secrétaire permanent du Rasa poursuit: « Aujourd’hui, nous avons redéfini le concept, préférant parler d’occupation plutôt que d’emploi ». Il fait le même constat pour le produit intérieur brut, « très insuffisant, un appareillage idéologique pour que le marché puisse s’organiser. [...] une lecture libérale de l’économie basée sur le consensus de Washington […] la standardisation des sociétés ».

Cheikh Gueye souhaite « opposer un calcul économique plus lié au relationnel, à la solidarité, qui sont très importants en Afrique », avec une approche par « capabilité », proposant de voir dans le développement comme une extension des libertés substantielles, ainsi que l’a théorisé l’économiste indien Amartya Sen, Prix Nobel d’économie en 1998. Toutefois, il écarte une victimisation du continent et voit le Rasa plutôt comme « une réponse aux insuffisances des capacités prospectives des institutions africaines ». 

Le Rasa veut redonner aux Africains la parole afin qu'ils apportent leurs réponses aux défis du continent, « qui doivent être résolus par eux et non par les fonctionnaires de la Banque mondiale. C’est aussi une manière de restaurer la responsabilité des Africains dans leur propre développement ». Il veut voir mesurer le bien-être des individus, à l’instar du bonheur national brut, indice économique inscrit dans la Constitution bhoutanaise depuis 2008 en remplacement du produit national brut.

Noël Ndong

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