Droit foncier : les petits agriculteurs africains menacés par les investisseurs étrangers

30-01-2014 13:53

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Les transactions foncières entre les États africains et les investisseurs étrangers soulèvent des interrogations sur les droits fonciers, les modes de mise en location ou en concession, la transparence de l'investissement et le développement agricole inclusif

Les transactions foncières entre les États et les investisseurs étrangers constituent une grave menace pour le mode de vie des agriculteurs africains, alors que des investissements réalisés dans l'agriculture augmenteraient la productivité et la richesse, affirme Ruth Hall, professeure de l'Institut d'études sur la pauvreté, la terre et l'agriculture, en Afrique du Sud. Les terres en friche ou disponibles ont changé de propriétaires en Afrique, entraînant de lourdes conséquences pour les populations locales et l'environnement. Une transformation rapide de la propriété foncière et des systèmes agricoles a eu lieu de manière exponentielle au cours de dix dernières années.

Lors d'une récente réunion de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (Cémac), parlementaires et petits agriculteurs de cette région riche en ressources de toute nature se sont heurtés au type d'investissement requis.

Le vice-président du Parlement panafricain, le Camerounais Roger Nkodo Dang, a plaidé en faveur de l'industrialisation de l'agriculture et de la commercialisation des produits agricoles. Cette vision qui ne tient pas compte des tensions inévitables qui se posent, en l’occurrence la coupe à blanc des forêts tropicales pour faire place à des plantations de palmiers à huile qui détruit les puits de carbone. Le délogement des agriculteurs locaux pour faire place à des plantations commerciales pourrait sans doute favoriser la production alimentaire efficace pour les marchés mondiaux, mais compromettrait la sécurité alimentaire de la population locale.

La situation des agriculteurs est pire en tant que travailleurs qu'en tant qu'agriculteurs indépendants

Le rapport 2011 de la Banque mondiale (BM) sur « l'intérêt croissant des investisseurs à l'agriculture » a mis en lumière la situation des agriculteurs, qui est pire en tant que travailleurs qu'en tant qu'agriculteurs indépendants. Alangeh Romanus Che, de la plateforme régionale des organisations paysannes de l'Afrique centrale, pense qu'il faut investir auprès des agriculteurs africains plutôt que de prendre leurs terres.

Un projet a récemment été présenté par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale, en vue de consulter les parties prenantes africaines à Johannesburg (Afrique du Sud). Il s'agissait de voir comment définir et garantir des investissements agricoles responsables. Il en résulte que pour un revirement dans l'agriculture africaine, il faut commencer par reconsidérer la réduction des subventions, la déréglementation agricole et la libéralisation du commerce qui ont constitué la formule politique imposée à de nombreux États africains durant les trois dernières décennies.

En effet, divers investissements publics/privés, internes/externes permettraient aux agriculteurs de commercialiser et d'augmenter la production, d'accéder aux intrants peu coûteux et appropriés, d'améliorer leur productivité, d'ajouter de la valeur aux produits, d'accéder à de meilleurs marchés et de chercher de meilleurs prix pour l'amélioration des produits de qualité.

Le défi reste donc l'élaboration de programmes de développement alternatif concrets confirmant les droits fonciers des familles agricoles et favorisant l'investissement auprès de celles-ci.

Noël Ndong