Economie : La marche vers le développement ralentie par la chute des matières premières (Dossier fin d'année)

Lundi 2 Janvier 2017 - 15:44

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L’année 2016 qui s’est achevée a été, à tous égards, marquée par des fortes pressions financières conséquence de la chute du prix des matières premières, notamment le pétrole, principale source de revenu du Congo. En dépit de l’optimisme affiché par le gouvernement de poursuivre son programme de  diversification de l’économie, l'on observé un ralentissement voire même l'arrêt de certains chantiers d'infrastructures de base dans le pays.

 

« Il ne faut pas se mentir, la chute du prix du pétrole rend la situation économique difficile pour tout le monde mais pas insurmontable », déclarait le Premier ministre, Clément Mouamba à Paris au cours d’une rencontre avec des officiels français.

Le chef du gouvernement regrettait par la même le fait de voir le pays en arriver à ce stade. Devant les parlementaires congolais, il déclarait lors de la présentation, le 3 juin dernier, du programme du gouvernement, procéder à un ajustement, non seulement budgétaire, mais aussi des comportements face à la dépense publique.

Pour espérer sortir de cette situation, il est attendu des autorités congolaises la mise en place d’une réelle politique pour maitriser la recette et la dépense, mais aussi d’un schéma idoine susceptible de tracer la vision économique ne reposant plus essentiellement sur l’or noir.

La bonne gouvernance, un passage obligé

Véritable venin ayant enfreint des années durant la bonne gestion des finances publiques, la mal gouvernance figure au nombre des défis à relever par le gouvernement qui doit, à l’heure où la crise financière bat son plein, éviter des prêts à des taux non préférentiels et surtout jouer au « distributeur de fonds » sous forme de prêt à des pays amis.

« Si l’Etat fait recours à l’endettement, il faudrait qu’il s’attèle à financer les secteurs qui sont porteurs de croissance et qui n’augmentent pas le taux d’endettement », déclarait le 11 mai à Brazzaville le représentant résident de la Banque mondiale au Congo, Djibrilla Issa, au cours d’une conférence de presse.

Toutefois, pour y parvenir, tout passe avant tout par la bonne gouvernance des recettes de l’Etat, notamment dans les administrations fiscales (Impôts, douanes…) à travers des réformes en vue de réviser leur nature. C’est dire que l’Etat est appelé à se faire violence par une série des mesures dans le seul but d’assainir les finances publiques.

Il s’agit, estiment les spécialistes de la haute finance, de réduire le train de vie de l'Etat ; élargir l’assiette fiscale au secteur informel tout en encourageant les PMI-PME source de croissance ; faire appliquer le principe d'unicité des caisses à toutes les administrations qui gèrent les menues recettes; appliquer la retraite automatique à tous les agents publics et bien entendu de mener à terme l’opération de recensement des agents de l’Etat, en vue d’assainir les fichiers de la solde, de la fonction publique et même de la force publique

Un nécessaire effort de diversification attendu

Aujourd’hui, le Congo est susceptible de connaitre une récession financière qui pourrait perdurer si l'on n'y prend garde. Les perspectives à long terme pour le risque souverain du Congo dépendront ainsi de l'évolution des prix du pétrole sur le marché mondial et en grande partie de la capacité de l’Etat d'accélérer le processus de diversification de l’économie.

Vu que l’or noir ne devrait plus constituer la source principale de revenu du pays, la nécessité de se tourner vers d’autres secteurs porteurs s’impose en ces moments de crise financière. Face au contexte économique marqué par la baisse des cours du pétrole, la Banque mondiale alertait le gouvernement à rationaliser ses investissements publics dans les secteurs à fort potentiel pour soutenir son économie.

De l’avis des observateurs du Congo, si d’un côté l’agriculture est un secteur qui peut nourrir tous les Congolais et aller vers l’exportation, il y a de l’autre les secteurs comme : le tourisme, les services, les forêts, l’énergie, l’approche interne (la semi- ou la transformation sur place de produits à l’exportation), l’habitat social et l’assainissement ainsi que les mines peuvent créer beaucoup d’emplois.  

Au regard de la difficile situation financière actuelle, tenir le pari des promesses et engagements pris au plus haut niveau de l’Etat nécessite des décisions courageuses de la part des autorités. Car, préserver les acquis de ces quinze dernières années suppose des mesures rigoureuses qui ne prêtent plus le flanc aux choix hasardeux, ni au favoritisme. 

Lors de son investiture, le 16 avril, le président Denis Sassou N’Guesso qui plaçait son quinquennat sous le signe du « Tout économie », déclarait attendre des pouvoirs publics des choix clés qui se résument à la résolution du bien-être de la population.

« Au cours du quinquennat qui s’ouvre, l’Etat veillera à l’emploi des jeunes et encouragera de façon spécifique toutes les entreprises qui donnent la chance aux jeunes d’intégrer le monde du travail », disait-il.

Effets de la crise pétrolière sur l’économie congolaise

Les effets de la chute vertigineuse des cours du pétrole sur le marché mondial affectent sérieusement l’économie congolaise qui dépend en grande partie des ressources issues des exportations de l’or noir.

La dette publique du Congo était estimée au 31 mars 2016 à la somme de 2785 milliards de francs CFA dont 350milliards pour la dette intérieure, répartie entre la dette sociale et la dette commerciale, selon le Premier ministre Clément Mouamba.

La dette extérieure représentait près de 50% du Produit intérieur brut (PIB) à fin décembre 2015, contre 20% cinq ans plus tôt. Par rapport à l’année 2014, les revenus pétroliers du pays ont chuté de 65% alors que les recettes publiques ont connu une baisse d’environ 43%.

Depuis pratiquement 2014, l’Etat congolais revoit son budget en baisse sous l’effet de la crise. Ainsi, le budget rectificatif de l’Etat exercice 2016 a été fixé à 3623.011.000.000 contre 3776.169.000.000 FCFA du budget initial.

Les entreprises du secteur privé font les frais de cette crise due à la basse des prix des matières premières, notamment du baril de pétrole. Entre 2015 et le premier semestre de 2016, l’on notifie la perte de plus de 16.205 emplois par les entreprises privées membres de l’Union patronale et interprofessionnelle du Congo (Uni Congo).

Cette situation a également engendré une baisse des cotisations sociales de 1,4 milliard de francs CFA en 18 mois à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Il y a eu la fermeture de plusieurs entreprises privées, l’arrêt des travaux au niveau de certains chantiers d’infrastructures et d’autres dommages.

Le chiffre d’affaires des entreprises membres de ce syndicat patronal a diminué de 32% de 2014 à 2015 contre 33% courant les six premiers mois de l’année 2016. La situation de trésorerie paraît difficile au niveau de 72% des sociétés privées affiliées à Uni Congo.

Les secteurs du bâtiment et des travaux publics, des mines et des parapétroliers sont parmi les plus touchés avec des taux de dégradation de la situation les plus élevés du fait de l’impact direct de la chute des cours du pétrole et du fer ou de la dette publique intérieure.

Les sociétés forestières ont aussi subi les effets néfastes de la crise. Si leur chiffre d’affaires est demeuré stable entre 2014 et 2015, il a au contraire connu une régression de 15% au premier semestre de 2016.

En ce qui concerne les banques et les sociétés d’assurances, leur chiffre d’affaires a décru de 22% entre 2014 et 2015. Il a baissé de 26% au premier semestre de 2016.     

Quelles perspectives économiques pour 2017 ?

Pour s’en sortir tant soit peu dans cette situation économique difficile, le gouvernement congolais a décidé de ralentir le rythme des dépenses publiques, de corriger les déficits budgétaires, de mieux gérer les risques actuels et à venir, afin de créer un environnement sain pour une croissance durable. En témoigne l’adoption récemment par le Parlement congolais d’un code de transparence et de responsabilité pour une gestion saine des finances publiques.

L’une des importantes mesures prises par l’Etat devant être appliquées à partir de cette année 2017, consiste à observer le principe de l’intégrité et des aptitudes des acteurs publics dans la gestion des finances publiques. Pour cela, le processus de l’interconnexion des régies financières, -les directions du Budget, de la Douane, du Trésor public et des Impôts-, est en phase d’être relancé.

Outre cette politique de rigueur, le gouvernement congolais se dit engagé à poursuivre la réforme de la Fonction publique et de l’Etat entamée au dernier trimestre 2016, par la modernisation et la fiabilisation de la gestion des fonctionnaires et des soldes. 

Il s’agit du recensement des fonctionnaires, de l’établissement du répertoire des experts et des carrières, une réforme saluée par la Banque mondiale et d’autres partenaires au développement. La Banque mondiale a ainsi promis débloquer une enveloppe de 40 millions de dollars pour pouvoir, d’après cette institution financière internationale, aider le Congo à poursuivre le renforcement des capacités du ministère de la Fonction publique.

De l’avis des experts, le contexte économique actuel du Congo présente des défis et des opportunités :  diversifier son économie en faisant des choix de secteurs à fort potentiel comme l’agriculture. S’ajoutent également la filière bois et le secteur du numérique en pleine mutation.

De ce fait, le gouvernement compte passer de l’agriculture familiale à l’agriculture industrielle. Une initiative s’inscrivant dans le cadre de la troisième phase du Projet de développement agricole et réhabilitation des pistes rurales (Pdarp) qui sera cofinancé en 2017 par le Congo et la Banque mondiale.

Dans cet important projet de filière agricole, un soutien crucial de l’Etat est attendu y compris par des producteurs agricoles et des partenaires au développement. « C’est l’Etat qui favorise l’accès à la terre, l’organisation des producteurs en coopératives, l’accès des producteurs aux marchés… », soulignait le représentant résident de la Banque mondiale au Congo, Djibrilla Issa au cours d’une conférence de presse organisée le 30 novembre sur la revue du portefeuille de cette institution.

La filière bois jadis source de revenus de l’Etat devait connaitre une relance de ses activités. Le gouvernement et l’Union européenne (processus APV-FLEGT) ont décidé de la mise en œuvre du système informatisé de vérification de la légalité (SIVL) qui permettra, à l’horizon 2018, d’insérer toutes les données réelles d’exploitation dans tous les sites du pays.

Le nouveau logiciel de transparence et de vérification de légalité de bois va couvrir les 32 sites de production que regorge le Congo. L’année 2017 sera dédiée, selon les deux partenaires, aux recherches de solutions pour préparer la livraison officielle de ce matériel informatique.

Le secteur du numérique considéré comme « un levier pour la diversification de l’économie, la compétitivité, l’emploi et la modernisation de l’administration publique au Congo », est placé au premier rang des priorités de l’Etat. Plusieurs rencontres et ateliers sur les TIC ont été organisés durant l’année écoulée, (IT Forum Congo, les Assises nationales du numérique, les journées de réflexion sur la fibre optique), reste la mise en œuvre des recommandations.

Enfin, une bonne nouvelle pour le secteur pétrolier au Congo :  l’entrée en production, entre mars et avril 2017, du gisement pétrolier Moho nord de Total E&P Congo. Un projet qui va permettre à la production nationale du brut, d’après le ministre des Hydrocarbures, Jean Marc Thystère Tchicaya, d’atteindre un pic de 300 mille barils par jour.

Par Guy-Gervais Kitina, Christian Brice Elion, Fiacre Kombo & Lo

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