Édith-Laure Itoua, une femme en charge des Congolais de la diaspora : « Le Congo attend beaucoup de sa diaspora »

Samedi 8 Mars 2014 - 3:42

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Depuis mars 2013, les Congolais de l’étranger ont une représentante à leur tête, Édith-Laure Itoua. Cette Congolaise a commencé ses études en ex-URSS avant de les poursuivre en France où elle a étudié les langues et civilisations étrangères et slaves. Ancienne employée de l’ambassade du Congo en France, elle travaille au côté d’Henri Lopes, l’ambassadeur, pendant seize ans avant sa nomination récente en tant que conseillère du chef de l’État chargée du département des Congolais de l’étranger. À l’occasion de la Journée internationale de la femme, elle se livre un peu sur son parcours qui, selon elle, n’a rien d’extraordinaire

Édith-Laure ItouaLes Dépêches de Brazzaville : Votre riche et longue expérience au sein de l’ambassade du Congo à Paris vous a certainement permis de voir les Congolais de l’étranger avec un regard particulier. Est-ce cela qui a facilité votre nomination ?
Édith-Laure Itoua : Ce nouveau poste, je le dois à certains égards aussi peut-être au fait que l’on a beaucoup travaillé à l’ambassade pour mobiliser la diaspora congolaise. Afin qu’il y ait une vraie visibilité et que l’on en parle en bien. Que l’on sache ce que le Congolais de la diaspora est à même de faire. Un exemple : lors du 4-Mars (explosions de Mpila, NDLR), nous avons mobilisé les associations de la diaspora pour qu’elles collectent des dons. Et nous nous sommes arrangés pour venir les remettre ici sur place au ministère des Affaires sociales. Ce travail-là a dû être reconnu par le chef de l’État qui peut-être a pensé que je pouvais représenter, gérer la diaspora. Mais, c’est vrai que j’ai une grande expérience des difficultés que l’on peut éprouver en Europe et des opportunités qu’on peut y saisir.

Ce poste représentatif des Congolais de la diaspora vient de voir le jour avec votre nomination…
C’est exact. C’est la première fois, et la première expérience au Congo. Bien qu’au niveau du ministère des Affaires étrangères, il y avait une petite cellule créée par le ministre justement pour mobiliser la diaspora.

Qu’est-ce que le Congo peut vraiment attendre de sa diaspora au sens élargi ?
Beaucoup ! On se rend compte tous les jours qu’il y a beaucoup de talents qui nous font défaut. Cette question tombe à pic : je sors d’une visite au ministère du Travail et je me suis rendu compte qu’il y a beaucoup d’expertises que nous n’avons pas au Congo. Nous continuons à manquer de beaucoup de choses, même si nous organisons souvent des séminaires de renforcement des capacités. Mais il y a des gens déjà formés, et ils vivent à l’étranger. Ils peuvent revenir et nous apporter leur expérience. Je parle de la santé, mais cela est vrai dans plusieurs autres domaines : la soudure, la menuiserie, l’éducation… Ils peuvent venir former d’autres ici.

Donc, le discours que le pays tient actuellement à l’endroit de ses citoyens qui sont à l’étranger, c’est : « Rentrez vite ! » ou bien : « Agissez là où vous êtes ! » ?
Le Congo essaie de baliser la route, faciliter le retour de ces personnes-là. Mais les deux situations sont valables. On peut bien avoir une partie de nos compatriotes qui viennent renforcer les capacités sur place et l’autre partie qui soit de vrais ambassadeurs des couleurs de leur pays. Donc l’un et l’autre se valent.

Une politique du gouvernement a-t-elle été mise en route dans ce sens-là, pour encourager les retours ?
Le président de la République souhaite qu’on lui propose des pistes afin d’encourager tous ces compatriotes à leur retour et faciliter l’insertion pour ces Congolais qui sont parfois déconnectés de la réalité du pays. La création de ce département va dans ce sens. Mais avant que le gouvernement exécute quoi que ce soit, il faut qu’on lui propose des mécanismes. Nous sommes donc en train de faire ce travail le mieux possible, de manière efficace, afin que ces compatriotes ne se sentent pas perdus à leur retour au pays. Tous les jours, dans mon bureau, je reçois des Congolais avec des projets très porteurs. Le pays doit les encourager afin d’en tirer bénéfice très rapidement.

Que dire du rôle de la femme de la diaspora?
Les femmes de la diaspora ont un rôle important à jouer du fait qu’elles ont appris à se débrouiller toutes seules. Ces femmes sont dans un environnement qui n’est pas le nôtre. Cela construit un bagage dont on a spécialement besoin chez nous. Au pays, on est rassuré par un entourage immédiat favorable, mais à l’étranger on a un autre instinct, on doit se battre, on va frapper à toutes les portes. Un autre aspect est qu’à l’étranger on ne peut pas vivre aux dépens de quelqu’un, malgré le temps que l’on peut prendre pour aller fonder une famille. Il faut travailler et élever les enfants, et cela forge en vous un certain caractère. Les femmes de la diaspora peuvent inculquer cette force tout autant aux citoyens et citoyennes restés au pays. Elles sont animées d’un dynamisme qui sied aux projets. Nous, femmes, devons prendre conscience que nous devons nous battre, que tout ne peut pas venir de l’autre : nous avons quelque chose en nous à exploiter, que l’on soit lettrée ou pas. La femme a toutefois besoin de se former et d’arriver à s’en sortir toute seule. Des formations intéressantes pour elles existent à tous les niveaux.

Propos recueillis par Luce-Jennyfer Mianzoukouta

Légendes et crédits photo : 

Photo : Édith-Laure Itoua portant avec fierté le pagne du 8-Mars d'une certaine année au Congo. (© Adiac)