Entraves à la liberté de presse : le viol et l’enlèvement pour bâillonner les journalistes

Lundi 4 Décembre 2017 - 12:45

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Les deux procédés seraient utilisés par les détenteurs du pouvoir public ou les groupes armés comme de nouvelles armes de répression politique aussi bien à Kinshasa que dans les territoires situés dans l’est du pays.

 

Certains actes commis à l’est de la République démocratique du Congo (RDC) font croire que l’on sort de tout contexte d’un Etat moderne où les citoyens ont droit à la sécurité et la protection de la part des pouvoirs publics sur l’ensemble du territoire national. Le drame vécu, le 3 décembre, par le couple Pweto dont l’époux, Emmanuel, est journaliste-indépendant (propriétaire du site www.sisiwotepamoja.com, spécialisé dans le traitement des informations sur la situation sécuritaire en RDC et l’épouse, Jolly Mbombo, cadre de la Solidarité congolaise pour la démocratie et le développement (Scodé), un parti d’opposition, n’en fait pas penser le contraire.

Un communiqué de presse livré le même jour par le secrétariat général de cette formation politique informera l’opinion publique tant nationale qu’internationale de la malheureuse situation qu'a connue ce couple. Selon ce communiqué, c'était vers 1h du matin, le 3 décembre, que commençait le calvaire des Pweto. « Le sommeil des conjoints sera brusquement interrompu par l’entrée en fracas, dans leur domicile, des hommes armés en uniforme, non autrement identifiés qui ont fait irruption dans la chambre à coucher », a souligné le secrétariat général de la Scodé.

Sommeil dérangé, bastonnades, viol puis…plus rien

Le temps de réaliser à peine ce qui était en train de leur arriver, a fait observer le communiqué de la Scode, le journaliste se retrouvait violemment projeté sur le pavé pour subir une bastonnade sans précédent. A sa femme, qui n’avait trouvé comme moyen de défense que de crier et appeler au secours, deux de ces hommes décidèrent de la faire taire à leur manière. « Et puisqu’il fallait lui donner la leçon de sa vie, avait décrété l’un d’eux, ils se sont rués sur elle. Frappée à mort puis ligotée et bien immobilisée, elle s’est vue violée, tour à tour, par ses deux bourreaux sans état d’âme », a expliqué le communiqué.

Au terme de leur forfait, ces malfrats s’en iront en emmenant avec eux l’époux, Emmanuel, inconscient et cagoulé, laissant derrière eux une femme abusée, désespérée et abandonnée à elle-même. Devant ces faits, la Scode, dont le président national, Jean-Claude Muyambo, croupit depuis plusieurs années déjà à la prison centrale de Makala, à Kinshasa, se convainc que les restrictions de la liberté d’expression et toutes autres entraves aux droits et libertés fondamentaux humains qui s’observent à chaque mouvement de contestation découlent d’une stratégie délibérément adoptée. Tout ce qui est arrivé lors des différentes manifestations à travers le pays, le 30 novembre, a été cité en exemple. Le texte poursuit que les déclarations et autres menaces distillées par la hiérarchie militaire, l’avant-veille des manifestations pacifiques prévues par les mouvements citoyens, le 13 novembre, pour une alternance démocratique, en disent long. Il est, d'ailleurs, fait référence des menaces brandies par le général Placide Nyembo, inspecteur provincial adjoint de la police au Nord-Kivu.

Des menaces qui se concrétisent

Le journaliste Emmanuel Pweto, rappelons-le, a déjà été enlevé au mois de mai dernier par des inconnus. Ces personnes lui reprochaient ses écrits sur  son site d’informations, sisiwotepamoja, à propos de l’insécurité dans l’est du pays. Abordé par elles au sortir d’un supermarché, en plein centre-ville de Goma, il avait été contraint, l’arme pointée à ses flancs, de monter à bord d'un véhicule. Après un temps qui lui parut une éternité, il sera entraîné par ses ravisseurs à la lisière d'une petite forêt, au bord du Nyiragongo, pour être dépouillé et soumis à un interrogatoire serré. Ses ravisseurs voulaient connaître les motivations réelles qui sous-tendent ses publications, ses sources d’informations et surtout, ses commanditaires. Après l'avoir prévenu du danger qu’il courait en publiant ce genre d’informations, ils le mettaient en garde s'il recidivait. Ces menaces d'hier, pensent les sources proches du parti la Scode, viennent de se concrétiser avec ce qui vient une fois de plus de lui arriver.

Indignée par ces actes perpétrés à l’est du pays et qui demeurent impunis, l'opinion publique s’interroge, sans relâche, pour connaître la main noire qui commandite toutes ces atrocités. Au regard de la persistance du climat d’insécurité qui s’y est installé et ce qui est arrivé au couple Pweto, elle est convaincue que pour réduire au silence la presse et décourager toute contestation politique, le viol et le kidnapping semblent être les nouvelles armes adoptées par les oppresseurs.

Lucien Dianzenza

Notification: 

Non