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Et la bataille des monnaies s’engagea …

Samedi 5 Octobre 2019 - 19:02

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Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le dollar américain était perçu sur les cinq continents comme la monnaie la plus sûre, pour ne pas dire la seule réellement fiable de la planète et, de ce fait, l’essentiel des réserves que les Etats conservaient dans leurs coffres était constitué de cette monnaie. Ce qui, tout autant sinon même plus que la richesse économique et la puissance militaire, confirmait la suprématie de l’Oncle Sam à l’échelle planétaire avec tous les avantages que cela comportait sur le plan stratégique.

Or voici qu’un mouvement inverse semble se dessiner avec une forte réduction de la part du dollar dans les réserves de change des Etats, une croissance inédite de l’euro, une montée en puissance certes modeste pour l’instant du yen japonais et surtout l’apparition du yuan chinois dans ces mêmes  réserves. Rendues publiques la semaine dernière par le Fonds monétaire international, les données semblent indiquer qu’une véritable compétition monétaire s’engage à l’échelle mondiale dont, au final, le dollar pourrait bien être le grand perdant à échéance de quelques années.

Pour mesurer l’ampleur du mouvement qui se dessine, il faut avoir présentes à l’esprit les deux données suivantes :

1. Le président américain, Donald Trump, s’est lancé dans une guerre commerciale avec la Chine, l’Europe et la Russie dont personne ne peut aujourd’hui prédire ce qu’il sortira, mais qui dégrade fortement l’image des Etats-Unis dans le monde financier. La politique de l’« America first » qu’il a inscrite au cœur de sa campagne en vue du renouvellement de son mandat présidentiel dans les mois à venir ne peut, en effet, qu’avoir des conséquences négatives sur l’économie américaine. Ce qui a pour conséquence d’amener les Etats et les gouvernements à se protéger par anticipation contre une crise économique qui pourrait s’avérer pire que celle des années trente du siècle précédent née précisément aux Etats-Unis.

2. Cette même guerre commerciale a un  effet dont on ne mesure pas encore la véritable conséquence qui est de dissuader les Etats d’engranger la dette publique américaine en souscrivant massivement aux emprunts d’Etat à court, moyen et long terme. C’est ainsi que la Chine, qui possède 1120 milliards de dollars d’emprunts américains et qui est donc le premier créancier des Etats-Unis, vient de se débarrasser de dix milliards de dollars de la dette américaine qu’elle avait accumulée tout au long des dernières décennies. Survenue au mois de mars, cette vente n’a guère été commentée publiquement, mais elle sonne comme une alerte, comme un avertissement que le locataire de la Maison-Blanche n’a manifestement pas perçu ou compris, mais que les autres grandes puissances ont bien pris en compte.

Si l’on ajoute à ce qui précède le fait que le déficit commercial des Etats-Unis atteint le chiffre pharamineux de 800 milliards de dollars par an, tout laisse prévoir une remise en question prochaine des rapports de force instaurés sur le plan monétaire par les accords signés à Bretton Woods, dans le New Hampshire, en 1944. Des accords conclus au sortir de la Seconde Guerre mondiale, qui avaient imposé le dollar comme la monnaie clé du système économique mondial et, de ce fait, confirmé les Etats-Unis comme la première puissance du globe.

Il suffit aujourd’hui de regarder comment la Chine de Xi Jinping et la Russie de Vladimir Poutine bandent leurs muscles pour comprendre que l’arme monétaire sera dans les mois et les années à venir l’un des principaux instruments de la bataille stratégique qui s’engage entre les « super grands » de la planète.

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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