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Et la boîte de Pandore libyenne s’ouvrit …

Samedi 24 Mars 2018 - 18:47

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Il y a, bien sûr, le feuilleton de l’enquête sur l’argent libyen qui aurait servi à financer, au moins en partie, la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, feuilleton dont nous venons de vivre deux nouveaux épisodes avec la garde à vue prolongée, puis la mise en examen de l’ancien président français pour « corruption passive, financement illégal de campagne électorale et recel de fonds publics libyens ». Mais il y a aussi et surtout la crise diplomatique qui surgira inévitablement des révélations en série que ne peut manquer de provoquer cette mise en examen et qui dépasse de très loin la question  du financement de cette campagne électorale.

Car, bien sûr, va surgir à brève échéance la question infiniment plus grave du lien réel ou supposé qui existe entre cette affaire financière pour le moins sordide et l’assassinat programmé de Mouammar Kadhafi par la France et l’Angleterre avec l’appui des Etats-Unis le 20 octobre 2011. Même si la question n’a pas encore surgi sur la table des juges qui à Nanterre, en banlieue parisienne donc, doivent démêler le juste du faux, elle va très vite occuper le centre du débat public généré par le soupçon de financement occulte de la campagne de Nicolas Sarkozy et donner de ce fait une toute autre dimension à la mort du « Guide ».

Si cette mort n’avait pas plongé la Libye dans le chaos et provoqué l’une des pires tragédies de l’Histoire contemporaine avec la mise en esclavage des migrants africains, avec l’afflux vers les côtes européennes de ceux qui parviennent à s’échapper de l’enfer qu’est devenue la Libye de l’après Kadhafi, avec la percée des nationalismes qui en découle directement dans différents pays de la Vieille Europe, peut-être les enquêteurs et les médias du monde entier ne tireraient-ils pas un trait d’union entre ce drame et l’élection de l’ex-président français en 2007. Mais la tragédie que vit le peuple libyen depuis la mort du « Guide » est telle qu’inévitablement, ce débat va s’engager dans un climat délétère compte-tenu des soupçons qui pèsent sur l’ancienne plus haute autorité de la France.

Conséquence inévitable de la mise en examen de Nicolas Sarkozy, les langues de tous ceux et de toutes celles qui ont vécu les évènements ayant abouti au meurtre de Mouammar Kadhafi vont à coup sûr se délier. Et comme ils ou elles sont fort nombreux en Libye, en Afrique, en France et ailleurs à avoir vécu les péripéties de cette affaire, l’on peut être certain que le procès à venir prendra très rapidement une dimension que personne n’avait prévu : avec, d’un côté, ceux qui nieront tout lien entre la campagne présidentielle française et la mort du « Guide » et, de l’autre côté, ceux qui s’emploieront à démontrer le contraire, preuves à l’appui.

Pour dire les choses encore plus clairement, les juges français ont, consciemment ou non, ouvert une boîte de Pandore qui n’est pas près de se refermer. Ils vont, en effet, voir affluer vers eux un flot d’informations ou de pseudo-informations sur la tragédie vécue depuis sept ans  par les Libyens qu’ils auront le plus grand mal à analyser, à peser, à déchiffrer, à relier au problème qu’il leur faut résoudre, à savoir celui du sort pénal de Nicolas Sarkozy.  Qu’ils le veuillent ou non, ils vont devoir se pencher sur l’origine du mal qui a plongé la Libye dans l’abîme dont elle tente aujourd’hui de sortir et, pour cela, rassembler les pièces d’un puzzle infiniment complexe dans lequel les services de renseignement occidentaux ont à l’évidence joué un rôle clé pour des raisons qu’il faudra élucider.

Dans un contexte aussi explosif, les puissances occidentales feraient bien de ne plus s’immiscer dans la recherche d’une solution pacifique au problème né de l’assassinat de Mouammar Kadhafi. Seuls sont capables de le faire l’Union africaine et le Comité de haut niveau à qui celle-ci a confié la mission de réconcilier les frères ennemis libyens sous l’autorité de Denis Sassou N’Guesso. On en a eu la preuve par anticipation lorsque le Haut conseil des villes et tribus  libyennes s’est retrouvé, le 26 novembre dernier, à Brazzaville afin d’évoquer fraternellement cette question.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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