Evocation : 11 avril 1946, le bélier baoulé vainqueur du travail forcé

Jeudi 18 Avril 2019 - 21:21

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En 1946, des députés africains sont en offensive au Palais Bourbon, siège de l’Assemblée nationale française, à Paris. Elus à la Constituante de la IVe République française en 1945, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, ces députés attaquent sans tarder la pièce maîtresse du Code de l’indigénat : le travail forcé.

Promu dans la colonie de l’Algérie, étendu plus tard dans tous les territoires de l’empire français, le Code de l’indigénat était une législation d’exception qui permettait aux gestionnaires de la IIIe République « civilisatrice » d’appliquer la règle du double standard dans leurs colonies. Ainsi les habitants des colonies, unanimement étiquetés sous l’appellation dévalorisante (à dessein) d’indigènes ou d’autochtones, étaient sous le joug des lois spéciales quand les Allogènes ( ce qui ne se disait pas), les Français venant du territoire métropolitain, jouissaient des acquis sociaux des luttes révolutionnaires françaises des deux siècles précédents.

En avril 1848, sous l’impulsion du député Victor Schœlcher, et pour éviter un soulèvement des esclaves, les élus de la IIe République avaient aboli l’esclavage, fait privé imposé par des particuliers dans les Antilles françaises. Avec l’institution du Code de l’indigénat, l’esclavage refit son apparition sous la forme d’un service public appelé travail forcé.

C’est contre cette abjection, l’esclavage, comme service public de l’Etat français, que s’attaquèrent, dès leur arrivée au Palais Bourbon, les représentants des territoires africains du Gabon-Moyen Congo, de la Côte d’Ivoire, du Soudan (actuel Mali), de la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), etc.

Le bélier baoulé, le Dr Félix Houphouet-Boigny ( son second nom signifie bélier en langue baoulé), chef traditionnel et syndicaliste à la tête du Syndicat agricole africain dont les vingt mille adhérents étaient coutumiers des affres du travail forcé, fut l’initiateur et le rapporteur de la loi 46-645 tendant à la suppression du travail forcé dans les territoires d’Outre-Mer qui porte son nom.

Rédigée en trois articles et adoptée par l’Assemblée nationale française, le 11 avril 1946, cette loi libératrice ne reçut pas de l’administration française la même publicité que celle évoquée ci-dessus de Victor Schœlcher. Ignorants l’héritage des luttes anticoloniales passées, les Etats africains émancipés de la France d’Outre-Mer n’ont jamais fait la promotion de cette loi qu’ils ne commémorent pas. Pourtant, à l’époque, des scènes de liesse populaire accueillirent les députés de retour de Paris qui furent fêtés à juste titre comme des héros.

Ce fut le cas à Pointe-Noire, capitale du Moyen-Congo, où pour célébrer l’événement, notre compatriote, le représentant Jean Félix Tchicaya, porté triomphalement à travers la ville, fut acclamé et honoré comme le vainqueur du travail forcé.

 

François-Ikkiya Onday-Akiera

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