Évocation : la communauté « Anamongo » : mythe ou réalité

Samedi 26 Avril 2014 - 16:02

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

La disparition du patriarche Justin-Marie Bomboko, le 10 avril, a mis en évidence ces peuples qui partagent les mêmes traditions et un ancêtre commun mais qui sont répartis dans plusieurs provinces congolaises et même à l'étranger : les Anamongo.

Il faut remonter l’histoire jusqu’à l’indépendance de la RDC pour entendre parler de la communauté Anamongo. En effet, à cette époque, la plupart des personnalités politiques à occuper des postes stratégiques au sein des premières institutions du pays, y compris dans l’armée, viennent de cette communauté. L’on raconte aussi que beaucoup de personnalités politiques Anamongo proches de Patrice-Émery Lumumba ont été élues sous le label « Anamongo » plutôt que pour leur appartenance à ce parti présidé par un personnage charismatique. L’histoire renseigne que les premiers partis politiques appartenant à des Congolais ont été montés sur des bases tribales. Mais cette réalité communautaire semble bien dépasser les frontières nationales car elle intègre aussi certains peuples de la partie nord de la République du Congo.

La question Anamongo est d’autant plus cruciale que la crise congolaise des années 1960 a révélé une profonde division entre les différents leaders de cette communauté. Justin-Marie Bomboko s'est rapproché de la position de Kasa-Vubu plutôt que celle de Lumumba dans le dossier de la mutinerie de la Force publique. Avant sa mort, le patriarche a justifié son attitude par la nécessité d'agir en homme d'État en privilégiant l’intérêt national plutôt que personnel dans la gestion de cette crise. Mais revenons un peu à cette communauté Anamongo. Plusieurs représentants politiques et folklores traditionnels des peuples Anamongo, y compris ceux de Brazzaville, ont pris une part active aux obsèques de Bomboko Lokumba. Un sentiment d’appartenance à une grande ethnie serait-elle en train de se consolider ? La question reste posée.

Toutefois, le mythe a commencé à céder la place à la réalité avec les ouvrages scientifiques dédiés aux Anamongo. Plusieurs éminentes personnalités dont le Pr Baniaku ont écrit sur les Anamongo. À Bamania, il existe même un centre d’étude sur les Mongo, et même une bibliothèque. Selon les chiffres en notre possession, l’on estime à au moins 20 millions d’Anamongo répartis sur l’ensemble du territoire national et en République du Congo. Pour accompagner l’élan, une association culturelle baptisée Ligue nationale des Anamongo (Lina) sous le leadership du défunt patriarche est à pied d’œuvre avec des fédérations opérationnelles au Bandundu, en Équateur, au Kasaï Oriental, au Kasaï Occidental, à Kinshasa, au Maniema, en province Orientale, au Sud-Kivu et à Brazzaville. Cette association apolitique cherche à réaffirmer une identité culturelle commune, à encourager la solidarité et à se muer en véritable groupe de pression pour préparer efficacement des échéances politiques. Elle devait aider au maintien indéfectible des liens. « Chaque parent Anamongo doit parler de cette appartenance à ses enfants. Un Mongo doit se sentir proche du Topoke, du Mbochi et Ndekese. Si je vais à Kananga, je dois être accueilli par un frère Anamongo. Nous avons des frères à Lodja, à Kindu, etc. Sans cette unité, la communauté Anamongo sera moins forte pour défendre ses intérêts vis-à-vis d’autres communautés ».

La disparition de Justin-marie Bomboko aura-t-elle des implications sur la survie de cette association ? Les opinions divergent sur cette question. Une initiative de la députée nationale Philomène Omatuku de faire voter une résolution qui reconnaît un dialecte pour la communauté Anamongo n’a pas abouti à cause paradoxalement de la résistance d’autres ténors de cette communauté. Le patriarche a souhaité un congrès pour jeter les bases solides de l’association dans l’espoir qu’elle survive à son initiateur. « Il faut créer les conditions pour la pérennité de l’association. Il faut éduquer sinon ça va disparaître avec le choc des cultures. Nous devons poser les problèmes. À l’occasion du prochain congrès, je ferai une déclaration solennelle qui pourrait constituer pour moi un testament ». A son successeur de faire en sorte que cette culture ne se perde pas, et que le combat du patriarche des Anamongo n’eût pas été vain.

Laurent Essolomwa