Evocation. Le premier congrès extraordinaire du PCT : délire gauchiste, casse générale

Jeudi 24 Octobre 2019 - 21:25

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Mars 1970 et un mois fou qui bouclera un trimestre commencé avec la promesse de la victoire du prolétariat congolais sur l’impérialisme en général, français en particulier. Engagée sous des bons augures avec la formation du Parti congolais du travail (PCT), la lutte finale de ce prolétariat avait failli tourner à la débandade générale dans la matinée du 23 mars. Le lieutenant Pierre Kinganga alias Sirocco était passé par là. Abattu et traité de tous les noms d’oiseau de la rhétorique anti-impérialiste et anticolonialiste, ses tombeurs, toutefois, n’allaient pas se débarrasser de son fantôme à moindre frais. Mêlée à un délire gauchiste sur les moyens de lutter contre l’impérialisme et ses laquais, la facture laissée par Kinganga allait être très salée à moyen et long terme pour le parti comme pour l’administration publique, le corps de la gendarmerie et la chefferie traditionnelle anéantis ou menacés d’anéantissement.

Sur le plan politique, le PCT créé le 31 décembre 1969 n’avait que trois mois d’existence quand, malmené par l’intrusion intempestive à la Radio nationale du lieutenant Pierre Kinganga alias Sirocco, ses dirigeants durent se résoudre à convoquer une assemblée générale extraordinaire des militants. Or, il n’y a pas de congrès sans un jeu de chaises musicales, sans une lutte pour le pouvoir, et sa vieille rengaine qui-monte-descend, qui descend-monte !

Officiellement, en sa session des 30 et 31 mars 1970, le congrès examinait la situation créée par la tentative du coup de force de l’impérialisme et ses laquais contre le parti de la classe ouvrière. Il s’agissait donc de resserrer les mailles du filet et de renforcer le dispositif anti-impérialiste pour éviter d’être la victime d’un nouvel assaut des valets locaux.

Emanation d’un pouvoir bâti sur un compromis passé les 2 et 3 août 1968 sur le dos du président Alphonse Massamba-Débat entre l’Armée, la Défense civile et les « Intellectuels-révolutionnaires », le PCT à sa création présentait un bureau politique (BP) dont le dispositif reflétait les trois composantes susmentionnées. Le commandant Marien Ngouabi tenait les manettes du comité central (CC). Claude Ernest Ndalla en était le premier secrétaire, secrétaire général du parti. Il était suivi du commandant Alfred Raoul, deuxième secrétaire du CC, chargé de la vice-présidence du Conseil d’Etat. L’ancien commandant de la Défense civile, le lieutenant Ange Diawara, premier commissaire politique à l’Armée populaire nationale (Apn) venait en quatrième position, suivi de Justin Lekoundzou, Pierre Nzé, du capitaine Kimbouala Nkaya, deuxième commissaire politique à l’Armée chargé des questions économiques. Ange Edouard Poungui fermait le cercle des huit stratèges de la lutte finale.

Le lieutenant Kinganga et son fantôme devaient bouleverser ce dispositif à court terme et le détruire à moyen et long terme. En effet, les cartes furent rebattues. Les deux chefs militaires qui s’étaient particulièrement distingués le 23 mars entrèrent ou renforcèrent leurs positions dans ce BP. Il s’agissait du lieutenant Ange Diawara et du capitaine Denis Sassou N'Guesso. Ce dernier entra dans le dernier carré du pouvoir et ne devait plus le quitter. Mais, c’est Ange Diawara qui décrocha la timbale en faisant débarquer le commandant Raoul de la troisième place au rang de simple membre du BP chargé de la vice-présidence du Conseil d’Etat. Il le faisait remplacer par son mentor politique, Ambroise Noumazalay, devenu deuxième secrétaire du CC chargé de la commission du Plan. Lors du congrès de décembre 1969, Noumazalay, interdit d’activités politiques et de sortie du pays, ne figurait pas sur la liste des membres du CC. Le président Marien Ngouabi, qui avait cru compensé la descente du commandant Alfred Raoul par l’entrée au BP du capitaine Sassou N'Guesso, venait sans le savoir de modifier l’équilibre des forces militaires en sa défaveur, relativement à l’attelage de l’Armée qui l’avait soutenu en août 1968. Il venait quasiment de perdre un soutien de poids en la personne du commandant Alfred Raoul. Par contre, par son coup de maître, avec l’entrée au BP de l’ancien Premier ministre et stratège politique, Ambroise Noumazalay, le lieutenant Ange Diawara avait réussi à rééquilibrer l’équation en faveur des forces de l’extrême gauche qui menaient la révolution par le bout du nez depuis qu’elles avaient imposé le socialisme scientifique au congrès de juillet 1964.

Or, comme Diawara l’écrira dans son "Autocritique du M22", Noumazalay était le leader d’une nébuleuse appelée « Groupe JMNR/Groupe Défense civile/ Groupe Noumazalay » dont il était membre avec Ndalla et d’autres.

Ainsi, au cours de ce premier congrès extraordinaire, bien que le jeu des chaises musicales ne concerna qu’un seul poste, deux clans émergèrent et se firent face au BP. La grève de novembre 1971 et la dislocation de la Triple Alliance, en février 1972, n’étaient pas loin. Le fantôme de Kinganga poursuivait ses ennemis de sa malédiction. (à suivre)

 

 

François-Ikkiya Onday-Akiéra

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